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Coupures d'électricité: comment les TPE et PME appréhendent-elles l'hiver?

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Alors que les grands sites industriels réduisent déjà drastiquement leur consommation d'électricité, les plus petites structures redoutent les opérations de délestages qui pourraient gravement nuire à leur activité durant l'hiver.

Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE le reconnait volontiers: les potentielles coupures de courant pourraient avoir des conséquences économiques. Alors qu'est saluée la baisse d'environ 12% de la consommation d'électricité du secteur secondaire au cours des dernières semaines par rapport à la période pré-pandémique de référence, les plus petites structures du tissu économique français craignent aussi la flambée des prix de l'énergie ... et les opérations de délestage à venir.

"Globalement, les TPE restent plus inquiètes vis-à-vis de la flambée des prix de l'énergie, indique Jean-Mathieu Delacourt, président de la Fédération des TPE. Si ce sont des délestages de 2 heures, ça peut être gérable mais s'il y a des coupures d'une journée au plus, ça posera problème."

Le président de la FTPE opère une distinction entre les domaines d'activité des très petites entreprises qui représentent plus de 95% des structures françaises et dont deux tiers sont en réalité des personnes seules. "Les artisans qui sont souvent en déplacement sont moins touchés et vont plus surveiller les prix à la pompe, explique-t-il. En revanche, les coupures seraient catastrophiques pour les commerçants en période hivernale."

Un préjudice à la portée variable

A la tête de Silicybine, un petit atelier qui sculpte des objets en verre, Stéphane Rivoal fait partie de ces petits artisans pour lesquels une simple coupure de courant peut potentiellement s'avérer préjudiciable. "J'ai absolument besoin d'électricité pour faire fonctionner mes fours qui tournent presque en permanence, souligne-t-il. Selon le moment du processus de fabrication où le délestage surviendrait, je peux perdre une pièce sur laquelle je travaille depuis une semaine."

Dès l'apparition des premières rumeurs autour de potentielles coupures durant l'hiver, plusieurs entreprises spécialisées ont enregistré un boom dans leurs ventes de groupes électrogènes. Dirigeant de l'entreprise 2AST, Armand Alexanian évoquait une hausse de 40% sur un mois à la rentrée qui était surtout portée par des clients redoutant ces coupures.

"Les entreprises qui ont des chambres froides ou les grosses structures ne peuvent pas prendre le risque d'arrêter leurs machines car elles mettent parfois plusieurs heures à redémarrer, explique le patron d'une des filiales de 2AST. Dans ce cas-là, le groupe électrogène prend le relais du réseau."

C'est ainsi que plusieurs enseignes de la grande distribution se sont d'ores et déjà équipées de ces outils.

Comme pour beaucoup de petites structures, l'achat d'un groupe électrogène afin de prévenir ces coupures d'électricité représente un investissement trop onéreux pour le maître verrier Stéphane Rivoal. Même son de cloche pour Christophe Bertrand, artisan chocolatier à la tête de sept boutiques: "Le coût d'un groupe électrogène serait très important pour des coupures qui ne surviendraient qu'occasionnellement."

Bien qu'occasionnels, les délestages pourraient néanmoins perturber son activité si RTE y avait recours. "Si on s'arrête deux heures, le chocolat durcit et on met deux heures à redémarrer les machines et un caramel qui est stoppé dans sa production est bon à jeter, précise-t-il celui qui redoute plus que tout une coupure dans les jours précédant la période décisive de Noël. Si elle a lieu le matin, mes employés peuvent faire autre chose de leur journée mais si elle a lieu l'après-midi, ils devront rentrer chez eux."

Partage de connexion, TPE portables et activité décalée

Parmi les instances représentatives, on appelle à relativiser face à un scénario qui n'est encore qu'au stade d'hypothèse. "Quand on n'a plus d'électricité, on n'a plus d'Internet donc on préconise des solutions mobiles comme le partage de connexion", évoque le président de la FTPE. De son côté, Christophe Bertrand a équipé ses magasins de terminaux de paiement électriques portables pour pouvoir encaisser les clients sans électricité. Le fabricant de peluche Pioupiou & Merveilles explore quant à elle la piste d'une production qui démarrerait deux heures plus tôt, dès 6 heures du matin, afin de réduire l'impact de potentiels délestages.

En réalité, ce problème de coupures est surtout problématique dans la mesure où il vient s'ajouter à d'autres difficultés auxquelles sont confrontées les plus petites entreprises françaises. "Ma facture énergétique a déjà augmenté de 15.000 euros depuis mars et je ne suis pas éligible au guichet car je ne remplis pas le critère des 3% de chiffre d'affaires, déplore Christophe Bertrand. On est fataliste, on fait le dos rond. On songe par exemple à cesser la congélation du chocolat à 20 degrés pour la ramener à 0 car ça fonctionne également a priori."

"Les aides ont beaucoup aidé face aux fermetures pendant la pandémie mais la reprise est compliquée derrière et beaucoup de chefs d'entreprise se demandent quand ces difficultés vont s'arrêter, insiste Jean-Mathieu Delacourt. Les TPE ont l'avantage d'être flexible et souple pour adapter leur activité en fonction des délestages mais on leur conseille quand même d'anticiper au mieux ces coupures."

Timothée Talbi