Crainte de coupures, factures en hausse: les entreprises se ruent sur les groupes électrogènes

En 2016, le médiateur national de l'énergie a traité 12.260 litiges opposant les consommateurs de gaz et d'électricité aux fournisseurs d'énergie. (image d'illustration) - Jean-Philippe Ksiazek - AFP
La conférence de presse d'Elisabeth Borne sur la situation énergétique n'aura que partiellement rassuré les entreprises. La cheffe du gouvernement n'a pas complètement écarté le risque de coupures de courant et le prix de l'électricité sera quand même sujet à une hausse significative. De quoi conforter dans leur décision les entreprises et organismes qui ont anticipé cette double-problématique en s'équipant d'un groupe électrogène. Cette machine est dotée d'un moteur thermique, souvent alimenté en diesel, pour ensuite produire de l'électricité.
Un relais aux défaillances du réseau
Dirigeant de l'entreprise 2AST, l'une des leaders dans la vente de ces produits, Armand Alexanian a observé un véritable raz-de-marée sur ses produits après l'émergence des premières hypothèses autour d'éventuelles coupures d'électricité dans les mois à venir.
"Ca a commencé dès la fin du mois de juillet et la demande s'est accentuée au lendemain du 15 août avec la reprise de l'activité, explique-t-il. Le mois dernier, nos ventes ont augmenté de 40% et la tendance devrait se poursuivre jusqu'à la fin du mois d'octobre."
Le directeur de l'entreprise impute davantage cette recrudescence de sollicitations au risque de coupure d'électricité plutôt qu'à la hausse des prix de l'énergie qui concerne un nombre restreint de gros consommateurs "dont la facture a été multipliée par 10". Il faut dire que beaucoup d'acteurs dans certains secteurs d'activités ne peuvent pas se permettre de subir des coupures d'électricité.
C'est notamment le cas de celles évoluant dans l'agroalimentaire ou la grande distribution ou encore de certains sites industriels. "Les entreprises qui ont des chambres froides ou les grosses structures ne peuvent pas prendre le risque d'arrêter leurs machines car elles mettent parfois plusieurs heures à redémarrer, explique le patron d'une des filiales de 2AST. Dans ce cas-là, le groupe électrogène prend le relais du réseau."
"Le groupe ne sera jamais suffisant pour alimenter toute l'usine"
En effet, même si leur puissance peut varier de quelques dizaines kilovoltampères (kVA) pour des PME à quelques milliers pour des grands bâtiments, les groupes électrogènes ne sont souvent qu'une substitution partielle. Cyril Baudouin est le directeur d'exploitation du sité Valohé de biostabilisation des déchets à Montblanc (Hérault) et a récemment acheté un groupe électrogène de 350 kVA pour la somme de 35.000 euros.
Je consomme beaucoup d'électricité, environ 140.000 kWh par mois pour une facture mensuelle de 25.000 euros, car j'ai des ventilateurs qui tournent 24 heures sur 24, explique-t-il. Le groupe va permettre de "secourir" mon traitement de l'air en cas de coupure mais il ne sera jamais suffisant pour alimenter toute l'usine, elle servira juste pour quelques équipements."
La logique est la même pour ce supermarché du sud de la France qui a dépensé 45.000 euros pour installer un groupe électrogène de 320 kVA afin d'assurer la continuité de sa chaîne de froid. "On a un système qui fait qu'il prend le relais automatiquement s'il y a une microcoupure, explique l'un des employés. En revanche, il consomme 40 litres à l'heure donc on ne tiendra pas si on doit l'utiliser sur trois ou quatre jours." D'autant plus que les risques de coupure pourraient ne pas constituer sa seule préoccupation en 2023:
"On est sous contrat avec Enedis donc la facture ne va pas bouger sur 2022 mais j'ai peur qu'elle double l'année prochaine", redoute l'employé.
Pour augmenter la puissance électrique dont ils disposent, des clients de l'entreprise 2AST ont ainsi de nouveau toqué à sa porte. "Certains nous ont sollicités car ils ont besoin de machines supplémentaires ou plus grosses", indique Armand Alexanian.
Le groupe électro-hydrogène, une solution d'avenir?
Cependant, des entreprises peuvent être réticentes à opter pour une solution qui induit une consommation d'énergies fossiles et donc de la pollution. Afin de s'adresser à celles-ci, la société EODev a mis au point un groupe électro-hydrogène qui convertit l'hydrogène en électricité grâce à une pile à combustible.
"Nos clients sont avant tout des entreprises qui souhaitent décarboner leur activité, souligne Stéphane Jardin, directeur commercial d'EODev. Mais depuis quelques semaines, une motivation économique émerge également. Elle représente environ 20% de nos sollicitations et on s'attend à une croissance de cette part."
Depuis fin 2021, EODev livre des modèles d'une puissance maximale de 100kVA mais souhaite multiplier ce chiffre par plus de dix d'ici 2024. Si le groupe électro-hydrogène présente un coût d'exploitation qui peut être jusqu'à 50% supérieur à celui d'un groupe électrogène classique, il offre un rendement bien meilleur. "50% de l'énergie de l'hydrogène est restitué sous forme d'électricité alors que le rendement d'un groupe avec moteur thermique varie entre 25 et 30%", précise Stéphane Jardin.