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Comment 2020 a été l'année de tous les dangers pour le luxe français

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L'industrie française du luxe a du se réinventer et doit continuer à se transformer, estime une étude du courtier IG.

Si l'industrie française du luxe a été une des premières à se relever des effets de la pandémie, avec des résultats brillants cette année, en 2020, la crise mondiale a eu des effets critiques pour cette filière.

Des effets mesurés par le courtier IG dans une étude. Globalement, le marché mondial aurait ainsi dévissé de 23% l'an passé à 217 milliards d'euros contre 281 milliards en 2019. En Europe, le repli a atteint 29%, suivi de l’Amérique du Nord (-22%). Le marché asiatique s’en tire mieux, avec une baisse de 5%.

Evolution du chiffre d'affaires de l'industrie du luxe
Evolution du chiffre d'affaires de l'industrie du luxe © IG/Bain&Co

Tous les produits de luxe ont connu une véritable récession. La vente de vêtements a particulièrement été impactée avec une baisse de plus de 30%, concurrencée par des marques moins haut de gamme.

Des ventes globales en baisse de 23% dans le monde

"La Covid-19 et ses mesures de confinement, d’interruption du trafic aérien et de fermeture des frontières sont venues mettre fin à plus d’une décennie de croissance soutenue", peut-on lire.

Les entreprises françaises comme LVMH, L'Oréal, Kering et Hermès - qui figurent toutes dans le top 11 des plus grandes entreprises mondiales de luxe - ont évidemment été les premières impactées.

A cause des baisses de ventes mais aussi parce que ces entreprises "ont été obligées de pivoter pour répondre aux besoins urgents de santé publique et apporter un soutien financier à leurs salariés. LVMH et Hermès par exemple ont réalloué leur outil de production pour réaliser des gels hydroalcooliques, pendant que Kering, Chanel ou Louis Vuitton se sont lancés dans la fabrication de masques et de sur-blouses".

Elles ont également fait évoluer leurs systèmes de rémunération à l’instar d’Hermès, plusieurs ont proposé des mesures comme la réduction du dividende versé aux actionnaires, la suppression des augmentations des rémunérations ou encore une baisse des rémunérations des dirigeants (à l’image de Bernard Arnault de LVMH qui a renoncé à deux mois de salaire) pour faire face à la crise sanitaire.

Un rebond dans les cinq années à venir

"Cette crise sanitaire mondiale a ébranlé certains aspects fondamentaux de l'industrie du luxe, entrainant des changements qui pourraient être permanents", poursuit l'étude.

Si les effets de cette crise s'estompent aujourd'hui, d’après une étude publiée par Bain & Company Luxury Study, il faudra attendre 2022 ou 2023 pour retrouver une rentabilité similaire à celle de 2019.

"La croissance du marché, qui dépendra essentiellement du niveau de confiance des consommateurs, des flux touristiques et de la capacité des marques à anticiper et à répondre aux nouvelles exigences des consommateurs, reprendra progressivement pour atteindre environ 320 ou 330 milliards d’euros dans les cinq années à venir. D’ici 2025, l’état du marché du luxe devrait être revenu à la normale avec plus de 450 millions de consommateurs de luxe à travers le monde, soit 60 millions de clients supplémentaires par rapport à aujourd’hui", avance IG.

Cette reprise s'accompagne de certains défis. Traduction, elle doit poursuivre la transformation entamée en 2020.

E-commerce, réseaux sociaux et seconde main

Il faudra pour les acteurs de cette industrie renforcer leur présence en Chine car "jusque-là habitués à réaliser leurs achats d’articles griffés à l’étranger dans des villes comme Paris, Londres ou New York, les clients chinois seront désormais plus susceptibles d’effectuer leurs achats de luxe dans leur pays".

L'étude rappelle qu'en "2019, les consommateurs chinois ont généré 90% de la croissance du secteur au niveau mondial, et il est estimé que près de la moitié des ventes de luxe dans le monde seront réalisées par des consommateurs chinois d’ici 2025".

Il faudra également renforcer le canal e-commerce qui n'est pas encore central dans ce secteur après avoir généré 49 milliards d'euros en 2020 contre 33 milliards un an plus tôt. Selon Bain & Co, la part du digital devrait passer de 7% en 2015 à 23% en 2020 (estimation) et 30% en 2025. Tout comme celui des réseaux sociaux: "les technologies virtuelles deviendront de plus en plus importantes pour que les marques restent en contact avec les consommateurs".

"Partout dans le monde, les consommateurs du marché deviennent de plus en plus influencés par le web, le digital et les nouvelles technologies. C’est en effet le e-commerce qui a porté à bout de bras les acteurs du secteur durant le confinement, à l’image de l’Oréal Luxe qui a su résister à la crise grâce à sa forte culture digitale", analyse IG.

Dernier axe à creuser, la seconde main. Ce segment pourrait progresser de 12% en 2021, grâce à des aspirations comme le souci d’un monde plus écologique, une industrie vestimentaire plus éthique ou encore un ralentissement de la surconsommation.

Réécrire les règles du jeu

Certains ont déjà commencé comme Kering qui a décidé d'investir dans le luxe d'occasion en acquérant 5 % du capital de Vestiaire Collective, un pionnier de la vente en ligne d'articles de seconde main.

"La tendance de la seconde main devrait s’accentuer encore plus en cette période de crise sanitaire. Nous verrons de plus en plus de clients se tourner vers ces biens d’occasion et les consommateurs disposant d’articles de luxe n’hésiteront pas à les proposer à la vente pour avoir des liquidités", souligne l'étude.

Conclusion, "l'industrie du luxe pourra surmonter la crise sanitaire et en sortir encore plus forte en opérant un changement de paradigmes en profondeur. En d’autres termes, les marques gagnantes seront celles qui sauront réécrire les règles du jeu pour continuer à capter les plus jeunes. La reprise de la croissance dans le secteur de l’industrie du luxe dépendra énormément de la capacité des acteurs à répondre stratégiquement à la crise actuelle et à s’adapter aux changements".
Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business