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Pourquoi les grandes banques américaines rouvrent massivement des agences

Bank of America rouvre des agences aux Etats-Unis

Bank of America rouvre des agences aux Etats-Unis - Dominique Reuter - AFP

[AVIS D'EXPERT] Après avoir fermé pendant des années des agences bancaires, plusieurs grands groupes ont décidé d'en rouvrir. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Voilà bien une actualité que nous ne nous attendions certainement pas à commenter début 2024: le retour des ouvertures, en nombre important, d’agences bancaires. Certes cela se passe aux Etats-Unis et uniquement là. Faut-il ajouter cependant: pour le moment?

Ailleurs, on le sait, l’heure est plutôt à essayer de limiter les fermetures d’agences et les "déserts bancaires" qu’elles peuvent créer, comme s’y est récemment engagé le Parti travailliste au Royaume-Uni (où le nombre d’agences a diminué pratiquement de moitié depuis 2015). L’exemple américain annonce-t-il une inversion de tendance qui pourrait gagner d’autres pays?

Aux Etats-Unis (où le nombre total d’agences bancaires est en baisse de 12,8% depuis 2019), c’est Bank of America qui a lancé le mouvement, avec 55 nouvelles agences ouvertes l’année dernière et 58 en 2022, sur des territoires où l’établissement n’était pas physiquement présent. D’autres ouvertures auront lieu en 2024 et ensuite. Par ailleurs, Bank of America revoit, à grands frais, ses agences existantes pour les redimensionner et les réorganiser autour des fonctions de conseils (disparition définitive des guichets, création d’espaces conversationnels à la place des bureaux classiques, …).

Parallèlement, l’autre grand mastodonte bancaire américain JP Morgan Chase a ouvert 114 nouvelles agences en 2022, portant à 4.831 le total de ses agences dans 48 Etats. Aujourd’hui, 60% de la population américaine vit à moins de dix minutes en voiture d’une agence Chase. L’objectif est d’atteindre 70%. Pour cela, Chase a prévu l’ouverture de 500 agences supplémentaires au cours des trois prochaines années, la rénovation/transformation de 1.700 agences existantes et le recrutement de 3.500 salariés dédiés à son réseau.

Bien entendu, de telles extensions de la part des plus grandes banques de détail obligeront les autres établissements à réagir. PNC, qui compte déjà 2.300 agences, vient ainsi d’annoncer qu’il prévoit d’en ouvrir plus de 100 nouvelles et d’en rénover 1.200 d’ici 2028. Et l’on peut penser que les petites banques et "credit unions", très présents à l’échelle locale aux Etats-Unis, ne seront pas en reste. Aussi, la tendance générale à fermer drastiquement les agences bancaires pourrait-elle nettement s’infléchir, aux Etats-Unis et peut-être ailleurs.

Un phénomène propre aux États-Unis

Certes, le phénomène est bien propre aux Etats-Unis dans la mesure où la réglementation bancaire y a longtemps empêché les plus grands établissements d’être physiquement présents dans tous les Etats. Jusqu’à très récemment, ainsi, Bank of America n’était par exemple pas présente à la Nouvelle-Orléans. Le mouvement engagé correspond donc au développement d’une présence réellement nationale.

Par ailleurs, à cette dernière échelle, il faut tenir compte des déplacements de population et y adapter les réseaux. Depuis 2018, Chase a ouvert 650 nouvelles agences mais en a également fermé des centaines d’autres. Le réseau de Bank of America recouvre 3.800 agences aujourd’hui, contre 6.100 en 2010.

Il ne s’agit donc absolument pas d’un retour en arrière. Bank of America compte 46 millions (74% de ses ménages clients) d’utilisateurs actifs (s’étant connectés au moins une fois dans les 90 derniers jours) de ses services numériques. Or, justement, ses ventes et activités en ligne n’atteignent pas le même niveau que celui de ses agences. C’est particulièrement le cas pour la collecte de dépôts.

Banalisation des offres numériques

Comme Chase, dont la situation est comparable, Bank of America souligne que la banque numérique souffre d’une banalisation des offres, par rapport à laquelle la présence d’une agence à proximité des clients joue à la fois un rôle totémique de mise en valeur de la marque et de relais d’accompagnement pour emporter la décision.

Toutefois, s’agit-il exactement de banalisation ou de concurrence? Face au succès de plus en plus ancré de certaines néobanques – aux Etats-Unis, on peut notamment citer le cas de Chime – les banques classiques ne sont-elles pas tentées de se raccrocher à leurs agences qui, seules, les distinguent véritablement encore? On verra sans doute assez vite s’il s’agit là d’une stratégie judicieuse ou d’une onéreuse fuite en avant.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor