Pourquoi les Français sont-ils autant attachés à leur banque?

Les Français ont tendance à ne pas faire jouer la concurrence en matière bancaire. - Pixabay
Retour sur une étude publiée il y a quelques mois, qui n’a pas reçu en France toute l’attention qu’elle mérite. Dans l’édition 2023 de son "Customer Behavior and Loyalty in Banking", une enquête menée auprès de 29.805 consommateurs dans 11 pays, alimentée par Dynata, le cabinet Bain & Company constate que la fragmentation du marché bancaire est désormais généralisée. Il faut entendre par là le fait que la majorité du public a désormais recours à plusieurs prestataires pour ses besoins de paiement, de crédit et d’épargne.
Ce phénomène est bien plus prononcé dans les marchés émergents tels que le Brésil et l’Inde, où de très nombreux consommateurs à faible revenu, longtemps mal ou pas du tout desservis par les banques, ont favorisé les établissements nativement numériques.
Dans les pays développés, en revanche, les banques traditionnelles revendiquent toujours la majorité des relations primaires avec les consommateurs, ce qui reflète en partie le fait que les banques directes et les néobanques ont souvent une gamme de produits plus restreinte qu’elles. Cependant, souligne Bain, la plupart des marchés ont connu récemment une montée en puissance des néobanques et, si les jeunes générations se tournent assez naturellement vers les établissements numériques, les consommateurs plus âgés s’intéressent désormais également aux néobanques et autres banques directes.
Les solutions de paiement, qui sont devenues un moyen important d’engager les consommateurs, alimentent particulièrement cette fragmentation ; rendant les banques traditionnelles moins présentes dans la vie quotidienne de leurs clients et les privant des données de transaction qui accompagnent les paiements.
Se concentrer sur l'engagement des clients
Pour contrer cette fragmentation, les banques doivent, selon Bain, se concentrer sur l’engagement des clients grâce à une meilleure expérience numérique et à des offres davantage personnalisées. Ces deux domaines sont en effet en corrélation directe avec le NPS, le "Net Promoter Score" (NPS) global, "un indicateur clé de fidélité" (qui a d’abord été formalisé par Bain et dont l’emploi est devenu très général dans les banques).
Toutefois, de manière générale, Bain ne semble pas beaucoup croire que les banques puissent inverser le mouvement. La fragmentation semble un mouvement irrésistible désormais, dans tous les pays sauf… en France.
Selon les résultats de l’enquête, nous demeurons en effet le pays le moins multi-bancarisé:

Les pays les moins séduits par les nouvelles solutions de paiement :

Pourquoi donc? La réponse n’est pas donnée mais il y a dans l’étude de Bain un passage très intéressant. L’enquête met en effet en évidence comment la moindre friction dans le processus de vente numérique des banques dégrade la perception qu’ont les consommateurs de la relation globale avec la banque, incitant nombre d’entre eux à se tourner vers un concurrent.
L’écart NPS de 103 points entre les répondants qui ont réussi à ouvrir un compte numériquement lors de leur première tentative et ceux qui n’ont pas pu ouvrir le compte et ont choisi une autre banque est ainsi notable.
Or cela dévoile ce constat étonnant que peu de banques finalement ont réussi à affiner leurs canaux numériques au point que pratiquement tous les consommateurs soient en mesure d’accomplir numériquement une tâche dès leur première tentative! Même sur les meilleurs marchés pour l’ouverture de compte – le Royaume-Uni et Hong Kong – seuls les deux tiers environ des souscripteurs répondants à l’enquête ont réussi dès la première fois.
Les Français plus conservateurs?
Pour les banques qui excellent dans le processus de vente numérique, le gain est donc substantiel. Au Royaume-Uni, Revolut, Starling et Monzo affichent tous des taux d’échec d’ouverture de compte numérique inférieurs à 1% ou 2% et ils se classent parmi les plus élevés du pays en termes de NPS relationnel global. Or les "promoteurs" – les consommateurs qui donnent des NPS élevés – dépensent plus avec leur banque, coûtent moins cher à servir et sont plus susceptibles de recommander la banque à leurs amis et à leur famille.
En regard, cependant, les banques françaises (comme les espagnoles et les italiennes), n’apparaissent pas particulièrement bien classées:

Les Français se caractérisent donc peut-être par un conservatisme bancaire plus élevés que dans les autres pays. Mais avant de formuler trop vite ce constat, il faut tenir compte du fait que – pour le dire brutalement - la banque numérique, en France, ça "ne marche" qu’une fois sur deux.