Dans votre banque, obtenir un crédit peut dépendre des préjugés de votre chargé de clientèle

Deux chargés de clientèle peuvent donner une réponse différente au même profil au sein de la même banque, selon une étude. - Pexels
A notre connaissance, c’est la première fois que la question – pourtant essentielle! – est posée: une demande de crédit est-elle susceptible de recevoir des réponses différentes en fonction du chargé de clientèle qui la traite? Selon Jérémie Bertrand et Aurore Burietz, professeurs de finance à l’IESEG School of Management, la réponse est oui.
Autant dire que l’article que viennent de publier ces deux professeurs met le doigt sur un biais aussi important que très généralement ignoré. Car, de l’avis général, auquel se rangent sans doute la plupart des clients, les chargés de clientèle sont, quant à la décision finale que recevra une demande de crédit, quasi interchangeables. Ils ne font qu’appliquer les critères de décision de leur établissement.
Pourtant, les choses ne sont pas aussi simples: les préjugés que peuvent avoir individuellement les chargés de clientèle influencent leurs décisions.
Ayant interrogé 32 chargés de clientèle d’une banque française quant au traitement des informations qui leurs sont présentées (éléments de revenus ou chiffre d’affaires, exposé du projet pour lequel un financement est demandé), les auteurs ont pu constater que l’importance relative données à ces informations varie d’un chargé de clientèle à l’autre. Sans surprise en fait – mais encore s’agissait-il de précisément l’analyser – les éléments quantitatifs seront considérés comme plus ou moins discriminants. Barrière infranchissable dans certains cas, un niveau de revenu moindre qu’attendu par exemple, pourra être en revanche mis en perspective avec la situation des demandeurs dans d’autres cas. En d’autres termes, la relation directe des clients avec leur chargé de clientèle n’a pas la même importance dans tous les cas.
Or, un tel biais est susceptible d’affecter tous les clients, soulignent les auteurs. Même un bon dossier pourra ne pas bénéficier des meilleures conditions parce qu’il ne coche pas exactement toutes les cases d’analyse financière, si le chargé de clientèle ne regarde que celles-ci. Tandis qu’un chargé d’affaires qui tient davantage compte de l’information qualitative, aura tendance à systématiquement fournir un crédit à un taux plus faible.
Des décisions différentes dans une même banque
Au total, un même client peut obtenir deux décisions différentes au sein d’une même institution bancaire à cause de l’existence de préjugés qui viennent altérer la prise de décision du chargé de clientèle face auquel il se retrouve.
Mais qu’y faire? Depuis quelques années, certaines (très rares) banques permettent de choisir son chargé de clientèle. Mais comment savoir a priori comment celui-ci traitera une demande?
Un biais de subjectivité est inévitable dès lors que la relation bancaire est un rapport de confiance: les critères pour le fonder ne peuvent que varier en importance en fonction des chargés de clientèle. Traditionnellement, les clients y répondent en sollicitant plusieurs banques, tandis que les noms de chargés de clientèle plus ou moins "compréhensifs" circulent. Deux réalités elles-aussi déterminantes à peu près complètement ignorées en termes statistiques.
Par ailleurs, avec l’automatisation des scorings et des processus d’octroi, les chargés de clientèle sont de moins en moins maîtres des décisions et sont plutôt comme des intermédiaires entre leurs clients et les centres de décision. Cela joue certainement sur la prise en compte de certains critères et il est dommage que n’en tienne pas compte une étude néanmoins excellente. Laquelle souligne à sa façon que, dans un secteur comme la banque où les rapports et études s’accumulent à ne plus savoir que lire, le manque d’informations de base pour ce qui concerne la relation client demeure stupéfiant.