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Après la crise agricole, nouveau jeu d’alliances en vue des négociations commerciales

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Les industriels de l’agroalimentaires sont sceptiques quant au souhait affiché par les distributeurs et la FNSEA de faire évoluer encore le calendrier des discussions pour fixer les prix des produits.

Ils ont quitté la scène en promettant de se revoir. Ce mardi, au cours d’une table-ronde à la Rencontre des entrepreneurs de France (REF), Thierry Cotillard, président du Groupement Les Mousquetaires et vice-président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, principal syndicat des agriculteurs, ont affiché une possible entente en prévision des prochaines négociations commerciales et, peut-être, d’une prochaine loi Egalim 4.

Dans la foulée, Layla Rahhou, déléguée générale de la FCD, a enfoncé le clou sur LinkedIn, se réjouissant que cette rencontre "ait permis de mettre en lumière un certain nombre de convergences" entre ces deux secteurs. Parmi eux: la "nécessité de renforcer la construction du prix en marche avant". 

Une première date-butoir dans les négociations

Distributeurs et agriculteurs imaginent ainsi un nouveau calendrier, avec une première date-butoir dans les négociations, avant laquelle les industriels devront fixer un prix avec les producteurs, avant d’aller discuter avec les enseignes de la grande distribution. Pour garantir un bon prix aux agriculteurs. Layla Rahhou écrit aussi que ces acteurs de la filière s’entendent aussi sur un "besoin de transparence" et une "volonté de construire ensemble plutôt que s’opposer". Mais il n’est pas, là, fait mention des industriels du secteur, qui regardent, plutôt sceptiques, cette séquence. 

Sur le constat, tout le monde s'accorde: il n’est plus possible que les producteurs soient la variable d'ajustement dans les négociations commerciales.

"Cette année, certains industriels ont discuté un prix avec les distributeurs avant même d'en parler avec les agriculteurs… Ils ont outrepassé Egalim. Cela ne peut pas se passer comme cela", reconnaît un acteur du secteur.

Il poursuit: "Là où l’on a des désaccords avec ce qu’avancent la FNSEA et les distributeurs, ce n’est pas sur le fond, mais c’est sur la forme. Cela me paraît très compliqué de l’inscrire dans la loi".

Totalement "irréaliste"

Pour le patron de la FEEF, qui représente 22.000 entreprises françaises, c’est même totalement "irréaliste".

"C’est impossible, ces histoires de contrats en amont! Pour une PME, cela veut dire 400 à 500 contrats à signer, dans chaque entreprise!", s’énerve Léonard Prunier.

Comme Jérôme Foucault, le président de Pact’Alim, qui représente 3.000 PME et ETI du secteur alimentaire, il dénonce une nouvelle "usine à gaz". Et tous deux pointent du doigt ce qui leur paraît tout simplement infaisable, comme fixer un prix pour des fruits ou des légumes dont les récoltes n’ont pas encore été faites. Sans compter qu’"il n’y a pas que le coût de la matière première agricole qui entre en jeu pour fixer un prix", martèle le patron de la FEEF.

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Mais alors pourquoi donc le patron de la FNSEA, qui préside par ailleurs le conseil d’administration du groupe agroalimentaire Avril, et le patron d’Intermarché, qui est lui-même industriel via sa filiale Agromousquetaires, voudraient encore ajouter de la complexité?

"Plus d’industrie, plus de production non plus"

Pour Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, qui représente les coopératives du pays (40% du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français), chacun défend ses intérêts, mais il ne faut pas se tromper de combat.

"Je comprends, dit-il, les préoccupations de tout le monde: leur rémunération pour les agriculteurs et le pouvoir d’achat pour les distributeurs. Mais la solution n’est pas dans la confrontation contre-nature et dans la réhabilitation de la guerre des prix! Ce n’est pas le vrai sujet!"

Pour Dominique Chargé, il y a, au fond de tout cela, la volonté de "contraindre l’industriel de ne pas répercuter l’ensemble de ses coûts de production. Mais s’il n’y a plus d’industrie, il n’y a plus de production non plus…"

Dans ce contexte politique mouvant et en espérant, aussi, un accompagnement des pouvoirs publics, il préconise plutôt que tous les acteurs de la chaîne fassent front commun pour "amortir le choc des crises, internationale, climatique et sanitaire" et pour "gagner en compétitivité". En attendant, les différents camps affutent leurs arguments et ils surveillent de près ce qu’il se passe au Parlement, pour pouvoir y pousser leurs pions. 

Pauline Tattevin