Approvisionnement, hausse des coûts... La fragile reprise du secteur des feux d'artifice

C'est un événement immanquable. Le plus lucratif de l'année pour les entreprises du secteur. A l'approche de la fête nationale et après deux étés chaotiques, les artificiers retrouvent le sourire.
"Le 14-juillet, c'est vraiment une date exceptionnelle sur le nombre de prestations. C'est 60% du chiffre d'affaires. C'est le seul moment de l'année pendant lequel on reprend nos marques avec un nombre de prestations quasiment identique à celui d'avant-Covid", se réjouit Frédéric Bouty, gérant de l'entreprise Régie Fête Pyrotechnie (Pas-de-Calais).
Le secteur revient de loin. Foudroyé par la pandémie de Covid-19, il a perdu "90% de son chiffre d'affaires en 2020" et "45% en 2021", rappelle Bernard Deom, président du Syndicat de la Pyrotechnie de Spectacle et de Divertissement (SPSD). S'il confirme que le nombre de feux d'artifice tirés ce 14-juillet devrait être proche du volume enregistré en 2019, les motifs d'inquiétude restent nombreux pour la quarantaine d'entreprises classées qui disposent des moyens légaux pour stocker des feux répertoriées en France, ainsi que pour les centaines d'autres vendeurs d'engins pyrotechniques*.
La hausse des coûts répercutée sur le prix des feux d'artifice en hausse
Loin d'être tiré d'affaire, le secteur de la pyrotechnie fait face à de nouvelles difficultés. A commencer par les perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales qui durent depuis des mois. Et les artificiers sont en première ligne: "90% des produits finis viennent de Chine. Or, la Chine a été confinée au printemps et le port de Shanghai a été fermé", souligne Bernard Deom qui s'attend à ce que "des clients ne soient pas servis", compte tenu de l'allongement des délais de livraison.
Aux difficultés d'approvisionnement s'ajoute la flambée des coûts. Celle des matières premières pour les fabricants d'abord, de l'ordre dee 10 à 15%. Mais surtout celle du transport, dont le coût a été "multiplié par 3 ou 4", selon Bernard Deom. Des hausses répercutées sur les prix des feux d'artifices facturés aux communes, lesquels devraient augmenter de 15 à 20% cet été par rapport à l'an passé. Les collectivités, elles, sont partagées: certaines acceptent de payer plus pour maintenir la qualité de leur spectacle pyrotechnique. D'autres conservent au contraire le même budget que les années précédentes, quitte à faire tirer un feu moins spectaculaire.
Combien coûte un feu d'artifice?
Le prix moyen d'un feu d'artifice en France est de l'ordre de 2000 euros. Mais d'importantes disparités existent, selon les communes et le lieu du tir. Il atteint généralement entre 8000 et 10.000 euros sur les plages du sud et plus de 10.000 euros en région parisienne. Dans les plus grandes villes comme à Paris, le feu d'artifice du 14-juillet coûte plus de 700.000 euros.
Autre mauvaise nouvelle, cette fois pour les artificiers du sud de la France: l'annulation des feux d'artifice du 14-juillet dans plusieurs villes des Bouches-du-Rhône en raison du risque d'incendies. Difficile en effet de reporter ce feu traditionnel à une date ultérieure. "Ce sera une perte sèche pour les entreprises", déplore Bernard Deom.
"Il va y avoir un paquet d'entreprises qui vont disparaître"
Face à ces difficultés qui s'amoncèlent au moment où le secteur pensait pouvoir pleinement se relancer, le président du SPSD se montre particulièrement pessimiste pour les mois qui viennent. "Compte tenu des paramètres qu'on connaît, il va y avoir un paquet d'entreprises qui vont disparaître. Elles ont survécu au Covid grâce aux aides de l'Etat, grâce aux PGE, mais il va maintenant falloir les rembourser".
Certaines petites entreprises pourraient aussi être fragilisées par une nouvelle loi qui prévoit de mieux encadrer la vente de mortiers, souvent détournés par des délinquants pour s'en prendre aux forces de l'ordre. Et puis il y a cette crainte des artificiers de voir les collectivités se servir des feux d'artifice comme variable d'ajustement pour tenir leur budget:
"Les collectivités se plaignent de la baisse des dotations de l'Etat, donc elles sont en train de tailler dans les budgets. Et je pense que les feux d'artifice seront en tête de la liste pour faire des économies. (...) Les gens ne feront plus de feux d'artifice", s'inquiète Bernard Deom.
*Selon les calculs du SPSD, la France compte "une quarantaine d'installations classées, spécialisées dans les feux d'artifice, qui disposent des moyens légaux pour stocker des feux". En faisant une recherche sur internet, le syndicat a toutefois répertorié plus de "1000 entreprises qui vendent des feux d'artifice". (...)"Les gens se disent 'professionnels' car ils ont un certificat de qualification. Mais c'est un certificat pour le tir, pas pour stocker, ni pour manipuler", précise l'organisation.