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Alors que les Européens continuent à acheter américain, le PDG de Dassault s'agace du manque de "patriotisme" européen sur l'armement

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Eric Trappier appelle les pays européens à acheter de l'armement produit en Europe plutôt qu'aux Etats-Unis, et souhaite une meilleure gouvernance pour une coopération entre constructeurs européens.

Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, appelle de ses voeux une préférence européenne sur les achats de défense, au premier jour du salon du Bourget, alors que les pays européens augmentent leurs dépenses militaires en raison de la pression exercée par Donald Trump et de l'actualité internationale.

"L'actualité internationale interroge sur ce qu'il va se passer en Ukraine, ce qui se passe au Proche et au Moyen-Orient et par conséquent, le sujet de défense va être regarder à la loupe pendant ce salon du Bourget", estime Eric Trappier, sur le plateau de BFM Business, délocalisé au salon du Bourget.

"Il faut savoir se réarmer pour être capable de défendre son pays, de défendre un ensemble de pays alliés", ajoute le patron du constructeur aéronautique français.

Une préférence européenne dans l'armement

Le PDG de Dassault Aviation plaide pour un réarmement des pays européens, auprès de constructeurs européens. "L'appel de Donald Trump doit parler aux Européens, les réveiller sur le fait que la défense de l'Europe est un sujet important", affirme Eric Trappier, qui espère voir la mobilisation française sur le sujet de l'armement être prise en exemple par les autres pays européens.

"Il y a un réveil mais j'attends que des actes suivent", ajoute Eric Trappier, car la préférence européenne dans l'armement est un vieux serpent de mer. "Ça fait plus de 30 ans qu'on appelle à une préférence européenne", se rappelle le PDG.

"Pour l'instant, la défense de l'Europe c'est l'Otan, c'est vu par beaucoup de pays européens comme une alliance dirigée par les Etats-Unis", explique-t-il, pour justifier le choix de plusieurs pays européens de se tourner vers des constructeurs américains plutôt qu'européens.

Des armes européennes moins chères

L'industrie d'armement européenne, et plus particulièrement française, a pourtant des arguments pour faire pencher la balance en sa faveur.

"Les produits français sont bons, moins chers que les produits américains", assure Eric Trappier, "ce qui est incroyable car les Américains en produisent plus".

La préférence des pays européens pour l'armement américain est "exclusivement politique", regrette le PDG.

Certains pays comme le Danemark par exemple, pourtant en plein conflit diplomatique avec les Etats-Unis sur le Groenland, ont annoncé récemment vouloir acheter des chasseurs F-35 américains.

Malgré ce manque d'amour des pays européens pour les constructeurs européens, les usines Dassault vont prochainement augmenter la cadence, c'est à dire le nombre de Rafales produits par mois.

"On est déjà à cadence trois déjà dans nos usines à Mons. On est en train de passer à cadence trois pour l'assemblage final à Mérignac. On va passer à cadence 4 dans les années qui viennent et j'étudie le passage à cadence 5 sous réserve qu'il y ait des contrats supplémentaires", explique Eric Trappier.

Un rapprochement entre la défense et l'automobile

Plusieurs constructeurs européens d'armement en France et en Europe se sont récemment rapproché de constructeurs automobiles afin de récupérer leurs équipements pour produire plus vite de l'armement.

"L'industrie automobile et européenne est en déclin du fait de la forte compétition de la Chine. Que certaines industries et industriels en France, des PME et ETI puissent se recentrer sur la défense me paraît être une très bonne chose", estime Eric Trappier.

Interrogé sur un possible rapprochement entre Dassault et un constructeur automobile, le PDG reste pourtant très dubitatif. "L'industrie automobile c'est du matériel roulant, nous on vole, c'est pas tout à fait pareil", ironise-t-il, précisant en revanche que certains sous-traitants de Dassault "sont déjà à la fois dans l'automobile et dans l'aéronautique".

"C'est un bon modèle car quand l'automobile baisse, on peut réaugmenter l'aéronautique", estime le PDG de Dassault.

Un défaut de gouvernance au niveau européen

Pour être encore plus attractifs, les constructeurs d'armement européens tentent de travailler ensemble, mais pour Eric Trappier, le projet fait face à un défaut de gouvernance.

"Pour avoir un grand projet industriel compétitif et performant, il faut une gouvernance solide. La gouvernance solide, c'est un vrai maître d'ouvrage, c'est-à-dire un décideur unique au niveau des Etats, et un vrai maître d'oeuvre industriel, un architecte avec la liberté de choisir ses sous-traitants. Il faut un chef et ce chef doit être choisi sur la compétence", défend le PDG de Dassault.

Pauline Lecouvé