Une production multipliée par 15: l’élevage de poissons et crustacés s’impose devant la pêche

Des pêcheurs chargent des carpes sur leur bateau, le 31 octobre 2014 en République tchèque (photo d'illustration). - RADEK MICA / AFP
La carpe distance la sardine. Dans le monde, l'élevage de poissons, de mollusques et de crustacés surpasse une nouvelle fois la capture dans les mers, les lacs et les fleuves. Selon les récentes données de l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture (FAO), la production aquacole mondiale d'animaux aquatiques atteignait 98,5 millions de tonnes en 2023, contre 90,4 millions pour la pêche par capture, c'est-à-dire le prélèvement d'animaux aquatiques vivant naturellement à l'état sauvage. C'est la seconde année où l'élevage vient dépasser la pêche comme première source de production des animaux aquatiques.
Sur la planète, l'aquaculture ne cesse de gagner en importance d'une année à l'autre: alors qu'elle ne représentait qu'un peu plus de 6 millions de tonnes au début des années 1980, contre 71 millions de tonnes au même moment pour la pêche par capture, elle passe la barre des 90 millions de tonnes en 2021 et talonne la seconde, qu'elle dépasse dès l'année suivante avec 94,5 millions de tonnes au compteur. En quarante ans, la production aquacole mondiale aura été multipliée par quinze.
Poussée par l'Asie
Sans nul doute, l'Asie est le moteur de la folle croissance de l'aquaculture – et plus particulièrement la Chine – dont elle représente plus de 90% des volumes mondiaux à l'heure actuelle. Selon le dernier rapport bisannuel de la FAO sur la situation mondiale des pêches, la production aquacole asiatique est passée de 28,4 millions de tonnes en 2000 à 83,4 millions de tonnes en 2022. La seule Chine, à l'origine de la moitié de la croissance mondiale depuis les années 1980, a plus que doublé ses volumes entre 2000 (21,5 millions de tonnes) et 2022 (52,9 millions de tonnes).
Sur le même continent, l'Inde a elle aussi posé le pied sur l'accélérateur: l'aquaculture indienne pesait 10,2 millions de tonnes en 2022, contre moins de 2 millions de tonnes en 2000, cinq fois moins. Dans son sillage, d'autres pays ont dopé leur production aquacole, à commencer par l'Indonésie (789.000 tonnes contre 5,4 millions de tonnes), le Vietnam (499.000 tonnes contre 5,2 millions de tonnes) et le Bangladesh (657.000 tonnes contre 2,7 millions de tonnes).
Huîtres creuses, crevettes à pattes blanches, tilapias du Nil… Dans le classement des dix premières espèces d'animaux aquatiques élevées ou pêchées en 2022, huit places étaient occupées par des animaux issus de l'aquaculture. Mets asiatique traditionnel, la carpe monopolise à elle seule trois places dans le même classement, avec la carpe herbivore (plus de 6 millions de tonnes), la carpe argentée (plus de 5 millions de tonnes) et la carpe commune (plus de 4 millions de tonnes).
Croissance rapide
"On choisit une espèce pour sa capacité de croissance rapide et pour la simplicité à maîtriser son cycle de vie", précise Thierry Laugier, chercheur à l'Ifremer, auprès de l'AFP. Prenant l'exemple du saumon de l'Atlantique, premier poisson d'élevage en Europe, "nous savons maîtriser sa maturation ou encore déclencher sa période de reproduction, par injection d'hormones". À l'inverse, la sardine provient exclusivement de la pêche en mer, "principalement pour des questions de rentabilité", souligne-t-il, expliquant qu'il "faudrait environ deux ans pour obtenir une sardine de taille adulte".
Selon la FAO, 17 espèces représentent 60% de la production aquacole mondiale, sur 730 espèces d'élevage au total. "La culture de certaines espèces marines est aussi une connaissance que nous n'avons pas développée, car nous avons longtemps considéré que l'océan était une ressource inépuisable", ajoute Thierry Laugier.
La production de poissons marins n'est en effet issue qu'à 5% de l'aquaculture, 83% pour la production de poissons d'eau douce et 75% de la production de poissons diadromes, c'est-à-dire des poissons qui vivent alternativement en eau douce et en eau salée, comme les saumons. L'aquaculture concerne également les deux-tiers de la production des crustacés et des mollusques.