"Nous ne pouvons pas lutter": l'Europe s'attaque aux boîtes de maïs chinois dont les importations ont augmenté de plus de 750% en 5 ans

Des droits antidumping élevés seront bientôt imposés par Bruxelles aux exportateurs chinois de maïs doux, alors que la filière européenne déplore une concurrence déloyale.

L'Union européenne jugule les arrivées de "maïs chinois". Espérant protéger les producteurs et transformateurs européens d'une concurrence accrue, et considérée comme déloyale, des droits antidumping grimpant jusqu'à 55% seront imposés d'ici quelques jours aux exportations chinoises de maïs doux vers le territoire européen. Plus concrètement, il s'agit de la variété de maïs destinée à la consommation humaine, généralement vendue sous forme de boîtes ou de conserves dans les supermarchés.

Menée par la Commission européenne, une enquête antidumping est ouverte depuis le mois de décembre à l'encontre des exportations de maïs doux par la Chine, faisant suite à une plainte déposée par l'Association européenne des transformateurs de maïs doux (AETMD). Les entreprises de l'UE ont en effet la possibilité de saisir la Commission européenne si elles s'estiment lésées par des pratiques de dumping, c'est-à-dire lorsqu'un produit est vendu à un prix artificiellement bas par des entreprises étrangères sur le marché européen, inférieur à la "valeur normale" dudit produit.

Les Experts : Que faire face au dumping chinois ? - 17/05

20:06

Pour l'exécutif européen, le dumping semble avéré: après plusieurs mois de questionnaires et de vérifications, Bruxelles a dressé une liste d'exportateurs chinois qui se verront imposer des droits antidumping à compter du vendredi 8 août 2025. Ces droits antidumping s'élèveront à 48,9% pour les exportateurs "coopérants" et à 55,2% pour les autres, tandis qu'un seul d'entre eux se verra imposer un taux moindre de 37,5%, selon des documents transmis par la Commission européenne. Ils seront calculés sur le prix des biens à la frontière, avant l'application des droits de douane.

Pour l'heure, ces mesures antidumping restent provisoires: l'enquête va encore se poursuivre jusqu'en février 2026, où une décision définitive est attendue. Si Bruxelles décide d'entériner ces mesures antidumping, elles resteront en vigueur pour cinq ans.

"Une très bonne nouvelle"

La décision prise par Bruxelles d'imposer des droits antidumping provisoires est "une très bonne nouvelle", salue Adrien Mary, secrétaire général de l'AETMD, auprès de BFM Business. "Nous avons constaté à partir de 2021 que la Chine envoyait des quantités importantes de maïs doux à des prix très bas, contre lesquels nous ne pouvons pas lutter", avance-t-il, affirmant que les exportateurs chinois avaient commencé "à prendre des parts de marché" dans un certain nombre de pays européens.

Les arrivées ont fortement accéléré ces dernières années à l'entrée de l'Europe: un peu moins de 5.000 tonnes de maïs doux* ont été expédiées depuis la Chine vers l'Union européenne en 2019, contre un peu plus de 42.000 tonnes cinq ans plus tard, selon les données fournies par Eurostat. Soit plus de 750% d'augmentation. En 2023, la barre des 50.000 tonnes avait été franchie. "La production européenne annuelle de maïs doux tourne, grosse modo, autour de 500.000 tonnes", donne Adrien Mary à titre de comparaison.

Dans les faits, les consommateurs français ont très peu de chance de ranger ces conserves de maïs dans leurs placards. La production chinoise est absente des supermarchés de l'Hexagone où règnent des marques fortes (entre autres Géant Vert, Bonduelle, D'aucy) et des marques de distributeur qui s'approvisionnement en bonne partie en France, poids-lourd mondial du maïs doux qui exporte bien plus qu'il n'en consomme. D'autres voisins, notamment l'Allemagne et les pays d'Europe de l'Est, ont toutefois été plus sensibles aux exportations chinoises.

Pour protéger sa propre industrie, l'UE impose déjà depuis 2007 des droits antidumping sur les importations de maïs doux depuis la Thaïlande, autre géant mondial.

*Ces chiffres concernent le maïs doux en grains, préparé ou conservé autrement qu’au vinaigre ou à l’acide acétique et non surgelé, selon la classification Eurostat.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV