"Les palettes ne sont pas parties": bloqués par les droits de douane de Trump, les vignerons champenois veulent convertir les Indiens et les Brésiliens au champagne

Les vendanges s'annoncent "porteuses d'espoir" en Champagne, mais les vignerons craignent les remous sur le marché mondial. Une nouvelle fois précoces, avec des premiers coups de sécateurs dès le 20 août, les vendanges champenoises laissent entrevoir des vins "parfaitement adaptés aux attentes des marchés" grâce à des conditions météorologiques idéales, s'est avancé le Syndicat général des vignerons de la Champagne (SGV) lors de la présentation à la presse de son bilan post-récoltes.
"Tous les indicateurs sont au vert" d'un point de vue qualitatif, même s'il est "encore trop tôt pour parler d'un millésime exceptionnel", a souligné son président, Maxime Toubart.
Côté quantitatif, les récoltes sont "contrastées", reconnaît le SGV, qui évalue le rendement agronomique entre 9.000 et 10.000 kilos par hectare (kg/ha). Selon le SGV, cela devrait permettre "à la plupart des exploitations" d’atteindre le rendement commercialisable de 9.000 kg/ha, c'est-à-dire la quantité maximale de raisins autorisée à être récoltée pour produire du champagne. Ce plafond est fixé chaque année par le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) en tenant compte des stocks et des prévisions de vente, afin d'éviter une surproduction pour la filière.
Tensions commerciales
Quelques nuages pointent toutefois à l'horizon. Outre un contexte mondial de déconsommation pour les vins, les vignerons champenois observent avec appréhension les turbulences du commerce mondial, alors que l'export représente 56% des volumes pour leurs bouteilles. Le champagne, comme les autres alcools européens, n'a pas été épargné par les droits de douane américains de 15% voulus par Donald Trump. Aux exportations, les États-Unis occupent la première place.
"Beaucoup d'importateurs ont freiné fortement [aux États-Unis]. Même si les commandes ont été passées, les palettes ne sont pas parties, car ils ne veulent pas se retrouver avec des palettes sur les bras", a affirmé Maxime Toubart, assurant toutefois que la filière gardait espoir au sujet d'une future exemption de droits de douane à l'entrée du marché américain car "le dossier n'est pas fermé".
Le vin est "systématiquement ciblé lors de tensions commerciales", a par ailleurs regretté le président du SGV.
Or, à l'export, le champagne est aujourd'hui dépendant de quelques marchés clefs. À eux cinq, les États-Unis (17,9%), le Royaume-Uni (14,5%), le Japon (8,1%), l'Allemagne (6,2%) et l'Italie (5,5%) pesaient un peu plus de la moitié des expéditions de champagne (France métropolitaine et exportations) en 2024, selon le dernier bilan annuel du CIVC.
"Lorsqu'un marché primordial tousse, c'est toute la filière qui tousse en Champagne", a ainsi confirmé Maxime Toubart.
Des horizons indiens
Espérant déconcentrer leurs exportations, les Champenois tournent leur regard vers quelques marchés d'avenir, dont l'Amérique latine. L'accord commercial entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) "va dans le bon sens" en matière de levée des droits de douane et de protection des appellations, a indiqué Pascal Bobillier-Monnot, directeur adjoint aux affaires politiques du SGV, évoquant des pays "à très fort potentiel".
Environ 856.000 bouteilles de champagne ont été expédiées vers les quatre pays du Mercosur en 2024, encore bien loin des quantités envoyées aux États-Unis (27,4 millions), au Japon (12,4 millions) ou en Allemagne (9,5 millions). Le seul Brésil, marché le plus prometteur pour le champagne, avait reçu un peu plus de 680.000 bouteilles. "Les impacts [de l'entrée en vigueur de l'accord UE-Mercosur] seront limités à court terme", ils seront "plutôt visibles à moyen terme", a noté Maxime Toubart.
L'Asie offre, elle aussi, de belles promesses, particulièrement l'Inde qui "pourrait ouvrir de nouveaux horizons" pour les Champenois, alors que l'Inde et l'UE se disent déterminées à conclure un accord commercial d'ici la fin de l'année. Le champagne est aujourd'hui soumis à 150% de droits de douane à l'entrée du marché indien selon le SGV, qui espère les voir retomber à 60%, soit au même régime que le Royaume-Uni. Environ 262.000 bouteilles de champagne ont été expédiées en Inde en 2024.