Le Parlement adopte définitivement la loi Duplomb, malgré la mobilisation de plusieurs collectifs

Fleur Breteau, malade du cancer et créatrice du collectif Cancer Colère, prononce un discours lors d'un banquet organisé par des agriculteurs contre le projet de loi agricole Duplomb, devant le jardin du Luxembourg, à Paris, le 30 juin 2025. - Photo par DIMITAR DILKOFF
Le Parlement a définitivement adopté, mardi 8 juillet, la proposition de loi agricole Duplomb-Menonville, comprenant entre autres une mesure décriée de réintroduction sous conditions d'un pesticide néonicotinoïde.
Initiée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI, centre), la proposition de loi adoptée par 316 voix contre 223 lors d'une dernière séance tendue mardi à l'Assemblée, est présentée comme l'une des réponses à la colère des agriculteurs de l'hiver 2024.
Des malades du cancer, des écologistes et des agriculteurs contre la loi Duplomb
Présentée comme une réponse à la colère agricole de 2024, et réclamée par la FNSEA et ses alliés des Jeunes agriculteurs, la loi Duplomb est critiquée par la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole français.
La loi Duplomb a également mobilisé contre elle plusieurs collectifs, notamment de malades du cancer et d'écologistes, qui ont alerté sur les conséquences sur la santé et l'environnement de la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes.
Francelyne Marano, toxicologue environnemental et vice-présidente de la Ligue contre le Cancer, invitée du BFMTV avant l'adoption définitive du texte, exprimait son inquiétude face à la réintroduction de certains pesticides dénoncés comme cancérigènes, et dénonçait une vigilance insuffisante, surtout pour les enfants.
"Le vote de cette loi entérine qu'une majorité d'élus continue à promouvoir un modèle agro-industriel qui ne répond en rien aux attentes du monde paysan. Toute la colère qui nous a fait descendre dans la rue l'an dernier, c'était pour demander un revenu digne", a réagi Fanny Métrat, porte-parole de la Confédération paysanne.
L'acétamipride, "un tueur d'abeilles"
Interdit en France, mais autorisé ailleurs en Europe jusqu'en 2033, les effets de l'acétamipride chez l'humain sont source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d'études d'ampleur. Le produit est notamment réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles".
Le texte prévoit une réintroduction sans instaurer de délai. Avec toutefois une clause de réexamen par le conseil de surveillance, trois ans après, puis annuelle, pour vérifier que les critères d'autorisation sont toujours remplis.
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard (LR), a défendu ce texte pour permettre à l'agriculture de "prendre toute sa place dans la transition écologique sans en être la victime collatérale". Le rapporteur LR Julien Dive a lui souligné les garde-fous dans le texte et estimé que les surfaces concernées atteindraient au maximum 500.000 hectares, soit "1,7% des surfaces agricoles".
L'Institut national de recherche pour l'agriculture (INRAE) "identifie d'ores et déjà les filières concernées" et "ses conclusions sont attendues à l'automne", selon Annie Genevard.
La gauche contre la loi Duplomb
La gauche et les écologistes se sont eux sont frontalement opposés au texte. C'est un "recul majeur", a jugé la députée socialiste Mélanie Thomin, son groupe dénonçant "une nouvelle étape de l'offensive réactionnaire des droites contre l'écologie".
Cette loi "légalise des pesticides mortifères, organise la privatisation des ressources en eau, exonère de toutes les garanties écologiques ordinaires", a tancé Aurélie Trouvé, présidente LFI de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée. La députée a critiqué "un traité de soumission à l'agrochimie".
"Jamais nous ne voterons cette loi, plutôt nourrir", a abondé sa collègue Manon Meunier, qui a annoncé déposer une proposition de loi pour "améliorer la reconnaissance et l'indemnisation des victimes de pesticides". "Le gouvernement a perdu la bataille de l'opinion. Vous avez perdu les scientifiques, les malades des pesticides, les apiculteurs", a lancé la députée écologiste et ancienne ministre Delphine Batho.
À l'inverse, la grande majorité de la coalition gouvernementale et l'alliance RN-UDR ont voté pour. Le groupe macroniste Ensemble pour la République a voté aux deux tiers pour (14 contre, 10 abstentions). Neuf députés MoDem et trois Horizons ont aussi voté contre.
Le Rassemblement national salue "une victoire partielle"
"Ce texte est certes une victoire, mais une victoire partielle", a estimé Hervé de Lépinau (RN), renvoyant à "2027" une revue en profondeur des conditions d'exercice des agriculteurs.
La loi apporte "de nouvelles réponses pour aider nos agriculteurs", a considéré le macroniste Jean-Luc Fugit. Ce texte "n'est au final ni une caricature qu'on voudrait en faire d'un côté, ni une réponse miracle", a évalué Eric Martineau (MoDem).
Le texte prévoit également des mesures pour faciliter le stockage de l'eau pour l'irrigation, dans un contexte de raréfaction liée au dérèglement climatique. Mais la gauche critique une "maladaptation". Tout comme elle proteste contre les mesures prévoyant de faciliter l'agrandissement ou la création de bâtiments d'élevage intensif.
Les parlementaires insoumis, écologistes et socialistes ont annoncé qu'ils déposeraient des recours au Conseil constitutionnel, estimant pour certains que la loi contrevient aux principes de précaution et de non-régression environnementale.