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Une image trop élitiste? Le secteur aérien peine à recruter mais les jeunes ne connaissent pas ces métiers

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Alors que la croissance du trafic aérien ne se dément pas, la filière peine toujours autant à recruter et à expliquer que ses métiers ne se résument pas à pilote de ligne et personnel navigant.

Malgré les critiques qui pleuvent sur l'avion, accusé de participer au réchauffement climatique, le trafic aérien ne cesse de progresser dans le monde. Huit milliards de passagers sont attendus en 2040 contre 4,5 en 2019. Par ailleurs, la flotte mondiale d'avions doit doubler en 20 ans, selon les prévisions d'Airbus.

De quoi générer des besoins importants de main d'oeuvre dans le secteur, dans de très nombreux métiers à la fois du côté de l'aérien (transports de passagers) que de l'aéronautique (construction). Ces besoins ne sont pas nouveaux et se heurtent à de vraies difficultés chroniques de recrutements, difficultés analysées dans une étude réalisée par la Chaire Pégase.

Le premier constat est qu'il faut s'attaquer au problème à la racine, celle de l'attractivité. Car seulement 24% des 15-24 ans interrogés "envisagent de travailler ou de faire des études dans le secteur du transport aérien. Ce chiffre est encore plus faible pour la construction aéronautique avec seulement 14% des jeunes".

Métiers peu connus

Pourquoi ce manque d'intérêt? L'étude met en avant une grande méconnaissance du secteur. "Seulement 51% des jeunes connaissent les entreprises du secteur aérien avec de fortes disparités entre les compagnies et les entreprises de service (moins connues). Ce pourcentage chute à 28% pour les entreprises de l’aéronautique", peut-on lire.

Pire, seulement la moitié des jeunes (49%) déclare avoir déjà entendu parler de ces secteurs pendant sa scolarité. "Il est facile de conclure qu’ils souffrent d’un manque de visibilité", juge l'étude.

Cette méconnaissance s'illustre également au niveau des métiers qui ne se résument pas à ceux de pilote de ligne et de personnel navigant. Seulement 49% des jeunes disent ainsi connaître les métiers industriels de l'aéronautique: logistique, maintenance, techniciens, soudeurs, mécaniciens, commerciaux, ingénieurs...

Un secteur non aligné avec les valeurs environnementales de 26% des jeunes

Autre frein important, une certaine auto-censure des jeunes qui seraient intéressés par la filière.

"Les entreprises des secteurs de l’aérien et de la construction aéronautique souffrent d’une image élitiste réduisant leur attractivité. Seuls 21% des jeunes trouvent qu’elles sont facilement accessibles".

"Une majorité d’entre eux estime ne pas avoir suivi les 'bonnes études' pour intégrer cette industrie. 71% ont l’impression que leurs études actuelles ne leur permettraient pas de travailler dans ces secteurs et 55% pensent qu’ils sont réservés aux élèves ayant eu un parcours scientifique. 52% considèrent que les entreprises des secteurs aérien et aéronautique sont réservées à une élite", soulignent les auteurs.

Les conditions de travail inhérentes aux métiers de l'aéronautique et du transport aérien, comme les horaires décalées, des lieux de travail éloignés et mal desservis, le stress… constituent aussi une barrière importante pour 51% des interrogés.

Enfin, 26% des jeunes interrogés estiment que les métiers de l'aérien ne sont pas alignés avec leurs valeurs sociales ou environnementales, un chiffre loin d'être anecdotique et qui illustre une certaine défiance vis-à-vis d'une filière stigmatisée pour ses émissions de CO2.

Bref, il y a du pain sur la planche pour le secteur. Le rapport préconise plusieurs mesures, notamment: communiquer davantage auprès des jeunes sur les métiers et opportunités offertes par ces secteurs, généraliser les dispositifs d’immersion dès le collège pour éveiller les vocations, inclure les prescripteurs dans les stratégies de communication pour activer les relais d’influence au plus près des jeunes, mettre en place des bourses…

Augmentation des salaires les plus bas

Reste que le secteur n'a pas attendu ce rapport pour déployer des mesures d'attractivité. La Fnam (Fédération nationale de l'aéronautique et de ses métiers) s'alarme depuis plusieurs années déjà de ces problèmes de recrutement.

Elle pousse les employeurs, depuis plusieurs années, à augmenter les salaires les plus bas, à améliorer les conditions de travail, notamment dans les aéroports et à développer l'apprentissage. Cela s'est traduit par la signature de neuf accords de branche, dont plusieurs accords salariaux pour tenir compte de la revalorisation du Smic.

ADP (Aéroports de Paris) a de son côté lancé une plateforme en ligne de recrutement.

Entreprises et emploi: le secteur en quelques chiffres

En 2024, on comptait 754 entreprises dans la branche de l'aérien (hors construction aéronautique). 80% d'entre elles font travailler plus de 250 salariés, pour un total de 86.567 salariés (en 2023). 60% sont des hommes.

55.000 travaillent dans le transport aérien de passagers, 14.000 dans les services auxilliaires des transports aériens et 4.700 dans le transport de fret.

Quels sont les métiers vraiment en tension?

Relation client: agents relation clientèle, directeurs des ventes, assistants commerciaux.

Support: agents d'opérations sol, administrateurs système et réseau, chargés de facturation.

Exploitation: pilotes, personnels navigants, agents de trafic, superviseurs escale, référents équipe pompiers.

Logistique: responsables supply chain, agents magasin fret, gestionnaires de stocks.

Maintenance: mécaniciens, techniciens de maintenance électrique et avionique.

Construction, moteurs: ingénieurs, mécaniciens, soudeurs, électriciens, tuyauteurs, chaudronniers, opérateurs de machines, opérateurs de ligne, contrôleurs qualité, ouvriers d’assemblage, de finition et de montage aéronautique.

(source: Fnam, rapport d'activité 2024)

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business