BFM Business
Aéronautique

"Pas d'expérience de l'aéronautique": les compétences chez Boeing comme chez les sous-traitants en question, dans l’incident de la porte du 737 Max

placeholder video
Les auditions pour éclaircir les causes de l'incident du 737 Max d'Alaska Airlines de janvier dernier suggèrent des insuffisances de compétences et de formation, notamment chez les employés de Boeing.

Après la stupeur, place aux auditions pour tenter de faire avancer l'enquête sur l'incident du 737 Max 9 de la compagnie Alaska Airlines. Le 5 janvier dernier, une porte-bouchon - opercule condamnant une issue de secours redondante - s'était détachée en plein vol. L'opercule manquant a laissé un trou dans le fuselage. Quelques minutes après son décollage, l'avion a dû faire demi tour et a ré-atterri à Portland. Aucun blessé grave n'est à déplorer, mais l'expérience vécue avait tout du "chaos", selon les mots du co-pilote de la compagnie.

Les auditions lancées depuis mardi 6 août par l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB) doivent permettre d'entendre une quinzaine de personnes, dont la vice-présidente chargée de la qualité de Boeing, un de ses principaux sous-traitants Spirit AeroSystems - fournisseur des fuselages du 737 notamment - , le régulateur FAA et le syndicat local des machinistes IAM.

L'audience permet aussi de rendre publics les commentaires et témoignages des pilotes, des ouvriers et collaborateurs, consignés dans plus de 3.000 pages de documentation.

Des boulons retirés et non remplacés avant le décollage

Selon l'AFP, la première journée a été consacrée au processus de production, aux sujets de formations et aux inspections pour tenter d'éclaircir les conditions de survenue de l'incident. Le rapport préliminaire de la NTSB publié en février montre en effet que les "quatre boulons prévus pour empêcher que la porte-bouchon ne se déplace vers le haut étaient manquants avant qu'elle ne bouge".

Les boulons auraient été retirés par des employés de Boeing lors d'une inspection à l'usine d'assemblage de Renton. La porte-bouchon a été replacée, mais sans ses boulons d'attache. Mais malheureusement ces opérations de maintenance n'ont pas été documentées, contrairement aux procédures habituelles, rendant difficile l'éclaircissement de la chaîne de responsabilités.

Un problème de formation des collaborateurs et des sous-traitants

Au fil des auditions, un problème de formation des collaborateurs et des sous-traitants a été mis en évidence, dont le point de bascule aurait été le Covid.

Selon le récit du Guardian, le vice-président de la compagnie de sous-traitance Spirit AeroSystems, Terry George, a fait état d'une chute des compétences. Cinq années plus tôt, 95% de ses employés avaient déjà travaillé sur de la tôle contre 5 % aujourd'hui. En conséquence de quoi, ils doivent recevoir une formation plus poussée pour percer des trous et installer des fixations dans les carrosseries d'avion.

"Depuis le Covid, il est apparu qu'une part considérable de nos collaborateurs n'avaient pas d'expérience de l'aéronautique", a ajouté la vice-présidente de Boeing en charge de la qualité.

Le magazine Fortune relate également que selon les témoignages consignés, des employés de Boeing disent avoir été poussés à travailler trop vite et à accomplir des tâches pour lesquels ils n'étaient pas qualifiés. "C'est de cette façon que les erreurs sont faites. Les gens essaient de travailler trop vite", aurait confié un installateur de portes.

Tous les soirs dans Le titre à la une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Céline Kallmann vous raconte une histoire, un récit de vie, avec aussi le témoignage intime de celles et ceux qui font l'actualité.
Capot d'un moteur détaché, porte défectueuse: comment expliquer la série noire de Boeing
13:40

La compagnie aurait renforcé la formation à destination de ses collaborateurs depuis janvier, mais le scepticisme demeure. "Nous n'avons jamais été impressionnés par la formation chez Boeing, a dénoncé un représentant de l'Association Internationale des machinistes et travailleurs de l'aérospatiale. Il y a eu des changements, mais je ne sais pas si ça suffit".

Il est peu probable que ces deux jours d'audition permettent toutefois de lever totalement le voile sur les causes réelles de l'incident qui nécessiteront des mois d'enquête complémentaires. L'enquête menée par la NTSB n'a pas pour objet de rendre un jugement, mais bien d'identifier les causes de l'incident pour éviter qu'il ne se reproduise à l'avenir.

Marine Landau