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La filière aéronautique française veut le retour à 0% de droits de douane, comme c'était le cas avant Trump depuis 1979

Un Airbus A220-300

Un Airbus A220-300 - Wikimedia commons cc Romain Coupy

Pour le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), répliquer aux droits de douane américains par des droits de douane européens serait contre-productif pour la filière.

Lors de la présentation des résultats annuels de la filière aéronautique française, le président du GIFAS et patron d'Airbus Guillaume Faury s'est inquiété: en raison d'un environnement "tellement instable", il est "très difficile de prendre des décisions". Il indique observer depuis le début de l'année un "attentisme considérable" en matière d'investissements industriels, freinant de fait la croissance du secteur.

"L'instabilité entraîne une incapacité de décision à court terme", a déploré le patron d'Airbus.

Répliquer face aux mesures américaines

Interrogé par l'AFP pour savoir quelle était la posture de la filière dans la guerre commerciale, Guillaume Faury a évoqué le désaccord il y a cinq ans à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) entre l'Union européenne et les États-Unis: l'Europe avait alors "mis en place ses propres droits de douane équivalents sur les avions Boeing" importés des États-Unis après avoir vu taxés de 10%, puis de 15% les Airbus livrés aux États-Unis.

Après ce bras de fer, les droits de douane avaient été "remis à zéro", a-t-il rappelé.

En cas de maintien des droits de douane actuels de 10% pour les produits importés d'Union européenne, ou d'augmentation à 20%, "les réponses à mettre en place s'inspireront de celles qui ont marché il y a cinq ans", a souligné Guillaume Faury.

Si les négociations en cours "n'aboutissaient pas positivement, j'imagine qu'il y aura, et c'est ce que nous souhaitons, la mise en place de droits de douane réciproques sur les avions pour forcer un niveau supérieur de négociation", a-t-il précisé à l'AFP.

Les aéronefs civils, en construction ou en réparation, sont exemptés de droits de douane depuis l'accord signé en 1979 par l'Europe et les États-Unis au sein du GATT (General agreement on tariffs and trade – qui a donné naissance à l'OMC en 1995).

"On a un écosystème transatlantique très performant, que ces droits de douane viennent endommager", a estimé Guillaume Faury.

Les mesures décidées par Donald Trump auront pour conséquence que l'ensemble des produits (dont les avions) importés d'Europe vers les États-Unis devront s'acquitter d'une surtaxe de 10%, qui pourrait monter à 20% à l'issue du sursis de 90 jours annoncé par le président américain le 9 avril pour négocier des traités commerciaux.

En cas de mesures de rétorsion, la filière européenne souhaiterait voir taxés les Boeing assemblés mais pas les composants car, sur ces derniers, l'avionneur américain pourrait bénéficier du "duty drawback", un mécanisme qui permet de se faire rembourser les droits de douane payés sur les pièces importées d'Europe pour être montées sur un avion ensuite vendu hors des Etats-Unis, a récemment expliqué un connaisseur du secteur à l'AFP.

Un effet dévastateur sur la supply chain

La guerre commerciale est "perdant-perdant" pour l'aéronautique, ce n'est "une bonne nouvelle pour personne" même si Boeing "serait probablement" plus touché, a souligné Guillaume Faury.

"C'est pour cela que j'ai bon espoir que (...) les choses vont se résorber", a-t-il ajouté.

Didier Kayat, vice-président du GIFAS et PDG de Daher, confirme: les espoirs de la filière reposent sur un retour à la situation initiale.

Il s'inquiète de l'impact de ces tarifs douaniers: "10%, ce n'est pas soutenable pour la supply chain et les équipementiers les plus fragiles, l'impact serait calamiteux", notamment ceux qui ont été fragilisés par la crise sanitaire. "Même 10%, ça peut être létal pour les plus petites entreprises."

"Il faut protéger la compétitivité des acteurs européens, mais pas être dans la surenchère", prévient Didier Kayat.

Le patron de Daher a ajouté que l'adaptation ne pourrait "pas se faire sur un claquement de doigts comme attendu par le président Trump", dans un secteur aux enjeux sécuritaires importants et dans lequel "on ne peut pas substituer du jour au lendemain des pièces aéronautiques".

Helen Chachaty avec AFP