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En 2035, la France disposera de quatre nouveaux sous-marins nucléaires indétectables

Un contrat de "plusieurs milliards d'euros" a été notifié pour la phase dite de "conception générale" de ces submersibles livrables à partir de 2035, selon son cabinet.

Un contrat de "plusieurs milliards d'euros" a été notifié pour la phase dite de "conception générale" de ces submersibles livrables à partir de 2035, selon son cabinet. - Minarm

Florence Parly a annoncé le lancement du programme des sous-marins lanceurs d'engins de 3e génération avec pour maîtres d'œuvre Naval Group et Technic Atom.

La France a lancé vendredi la conception de ses sous-marins lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération, appelés à incarner à partir de 2035 la composante océanique de sa force de dissuasion nucléaire.

"J'ai le plaisir de vous annoncer aujourd'hui le lancement en réalisation du programme (...), quatre sous-marins dont les performances remarquables permettront de garantir, dans la durée, la crédibilité opérationnelle de la composante océanique de notre dissuasion", a annoncé la ministre des Armées Florence Parly sur le site de la Direction générale de l'armement (DGA) de Val-de-Reuil (Eure).

Un contrat de "plusieurs milliards d'euros" a été notifié pour la phase dite de "conception générale" de ces submersibles livrables à partir de 2035, selon son cabinet. Paris a déjà autorisé l'an passé l'engagement de 5,1 milliards d'euros pour ce programme.

Il s'agit de remplacer les SNLE de la classe Le Triomphant en service et lancés entre 1994 et 2008. D'où leur qualification de "SNLE 3G", pour troisième génération depuis le premier SNLE français mis à l'eau en 1967.

"Cette filière d’excellence bénéficie à l’ensemble de l’industrie française navale, que ce soient les programmes nationaux ou export. Près de 90 % de la valeur ajoutée du programme SNLE 3G sera produite en France pendant plusieurs dizaines d’années, ce qui représente environ 3000 emplois directs de très haute qualification non délocalisables", explique le ministère des Armées.

16 missiles nucléaires à bord

La phase de "conception générale", permettant de définir précisément les composants principaux du bâtiment, doit durer cinq ans et la première tôle être découpée en 2023 pour des submersibles ayant vocation à naviguer jusqu'en 2090.

La France considère la dissuasion comme son assurance-vie face aux menaces contre ses intérêts existentiels. Et plus encore que la composante aéroportée, les SNLE français -au nombre de quatre pour en avoir un en permanence en patrouille- "constituent le socle de la stratégie nucléaire", rappelle Corentin Brustlein, directeur de recherches à l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Une fois en mer avec 16 missiles nucléaires à son bord, le sous-marin "se dilue dans l'océan" afin de ne pas être repéré.

"Leur indétectabilité fait leur invulnérabilité afin qu'ils puissent être un instrument de représailles face à un agresseur potentiel", explique-t-il à l'AFP. Et donc le dissuader d'agir.

La dissuasion "interdit à l'adversaire de miser sur le succès de l'escalade, de l'intimidation ou du chantage et en cela, elle a une vocation profondément pacifique", a rappelé la ministre.

Toutes les puissances nucléaires ont ou aspirent à développer une composante sous-marine ou à la renouveler. Les Etats-Unis doivent remplacer leurs 14 sous-marins de classe Ohio par 12 sous-marins de classe Columbia à partir de 2031. Les Britanniques doivent renouveler les leurs (4) à partir de 2028.

La Russie dispose à nouveau d'une dizaine de bâtiments. Et la Chine qui, "pendant longtemps avait des SNLE qui existaient sur le papier, fait désormais de vraies patrouilles" avec ses six sous-marins Jin. Sans compter "la Corée du Nord (qui) investit également cette technologie", selon Corentin Brustlein.

Un équipage mixte de 110 sous-mariniers

Les futurs sous-marins français seront "un peu plus longs et un peu plus lourds" que les SNLE actuels (138 mètres pour 14.300 tonnes en plongée), explique-t-on chez Naval Group, maître d'oeuvre industriel du programme avec TechnicAtome, chargé des chaufferies nucléaires. Ils seront également composés d'un équipage mixte de 110 personnes.

Sur le plan technique, "il y aura des briques technologiques en filiation avec les bâtiments en service et quelques domaines dans lesquels il y a des ruptures technologiques liées à la furtivité", confie-t-on chez Naval Group.

Tout repose sur la discrétion acoustique. Le SNLE 3G "entendra mieux et se défendra mieux, tout en étant plus silencieux: il ne sera pas plus bruyant qu'un banc de crevettes", selon Mme Parly.

L'enjeu est donc de concevoir des bâtiments "discrets au moment de leur entrée en service mais aussi sur les 30-35 ans de leur durée de vie" et d'identifier les ruptures potentielles dans les technologies de détection, explique Corentin Brustlein.

Les premières études ont commencé il y a déjà 10 ans chez Naval Group. Le programme représentera 100 millions d'heures de travail d'ici le lancement du dernier de la série en 2050 pour le groupe et 200 sociétés partenaires.

Car un SNLE est l'équipement le plus complexe qui soit, rappelle l'entreprise: "C'est une base de lancement (spatial) de Kourou, une centrale nucléaire et un village de 110 personnes dans un navire de 140 mètres, le tout sous l'eau".

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama avec AFP Journaliste BFM Éco