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Virés du jour au lendemain dans la tech: est-il si facile de licencier aux Etats-Unis?

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Les plans sociaux se multiplient dans la tech américaine avec des milliers de postes supprimés. Des règles protègent néanmoins ces salariés, reste à savoir si elles sont suivies.

Les coupes franches sont massives. Ce mercredi, Meta, la maison mère de Facebook, a annoncé la suppression de 11.000 emplois, soit environ 13% de ses effectifs.

La semaine dernière, deux sociétés de la Silicon Valley, Stripe et Lyft, ont ainsi fait part de licenciements de grande ampleur tandis que Twitter fraîchement racheté par Elon Musk, vient de congédier environ la moitié de ses 7500 salariés. Fin août, Snap, la maison mère de l'application Snapchat, supprimait environ 20% de ses effectifs, soit plus de 1200 employés.

Ces plans sociaux de grande envergure interviennent dans un secteur technologique lourdement affecté par la crise économique. Ils se caractérisent également par une certaine forme de brutalité.

Obligés de quitter les bureaux dans l'heure

Chez Twitter, un simple mail a fait office de lettre de licenciement pour les milliers de salariés tandis que la direction bloquait dans la foulée et à distance leurs ordinateurs professionnels.

Certains ont même été sommés de quitter les bureaux de l'entreprise dans l'heure... D'autres, en congés maternité ou paternité ont également été virés du jour au lendemain. Des collaborateurs en charge de ces licenciements ont eux-mêmes été congédiés par la suite.

Vus de France, ces licenciements collectifs provoquent la stupéfaction tant les règles dans notre pays pour se séparer d'un salarié sont strictes et étalées dans le temps.

Il faut dire que la législation du travail aux Etats-Unis est dans l'absolu bien plus "souple" qu'en Europe.

"Aux Etats-Unis contrairement à la France, la relation de travail, sauf exception, ne se matérialise pas par la signature d’un contrat de travail et l’emploi est dit "at will" c’est-à-dire qu’il est à la discrétion de l’employeur qui peut le rompre à tout moment sans motif, sans préavis et sans procédure particulière, sauf bien entendu abus de droit" explique pour BFM Business, Marion Kahn-Guerra, avocate associée et spécialisée dans le droit du travail pour le cabinet Desfilis.

Elon Musk semble ne pas avoir respecté la loi

"Ainsi par exemple, le licenciement ne doit pas être discriminatoire ou constituer une mesure de rétorsion contre un salarié qui aurait dénoncé des manquements de son employeur", poursuit-elle.

Néanmoins, comme les règles applicables peuvent différer d’un Etat à l’autre, il existe une loi fédérale qui encadre les licenciements collectifs.

"Il s’agit du WARN Act de 1988 (Worker Adjustment and Retraining Notification Act) qui prévoit, en cas de licenciements collectifs, l’obligation pour les employeurs de plus de 100 salariés, de respecter un préavis de 60 jours, sauf exceptions (par exemple si le nombre de licenciements est compris entre 50 et 499 et que le nombre de personnes licenciées représente moins de 33% des effectifs)" poursuit la spécialiste.

La Californie, où Twitter et Facebook ont leurs bureaux, applique le WARN Act "avec même quelques restrictions additionnelles puisque la règle s’applique pour les sociétés employant au moins 75 salariés", nous précise Maître Kahn-Guerra.

Dans le cas de Twitter, "il semblerait que certains salariés ont décidé de saisir la justice du fait du non-respect du WARN Act par Elon Musk. Ils pourraient donc obtenir le paiement des 60 jours de préavis qui aurait dû être respecté", explique Marion Kahn-Guerra.

Et en effet, une action en justice a été d'ores et déjà été lancée devant le tribunal fédéral de San Francisco.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business