"La voiture n'est pas un bureau": pourquoi l'accident de la route est le plus grand risque professionnel

Répondre à un client au volant, accélérer pour arriver à l'heure à un rendez-vous... Les salariés prennent encore trop souvent leur voiture pour un deuxième bureau, mettent en garde cette semaine les autorités à l'occasion des Journées de la sécurité routière au travail.
Ylies Sebih, responsable commercial, roule chaque année entre 50 et 60.000 kilomètres pour couvrir la vaste zone à sa charge dans le centre-ouest de la France. Il lui arrivait, "au début", de faire "des excès de vitesse pour rattraper du temps perdu".
S'il n'a jamais eu d'accidents, tous n'ont pas eu cette chance. 440 personnes sont mortes en 2023 lors de trajets liés au travail, soit près de 15% de l'ensemble de la mortalité routière en France. Ce n'était pourtant "pas forcément pris en compte" par le passé, note Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière.
"Dans une entreprise, souvent, on pensait aux normes de sécurité, d'hygiène... Et on oubliait que, finalement, le 'danger numéro un', c'est le risque routier professionnel", explique-t-elle.
"Déni autour du danger du téléphone"
Vitesse, fatigue et, surtout, téléphone.... "Il y a une forme de déni autour du danger du téléphone", estime Florence Guillaume. "Les gens n'ont pas forcément conscience que quand ils regardent un SMS ou, pire, un mail, ce n'est pas une demi-seconde qu'ils prennent. C'est souvent en fait 3-4 secondes et on peut parcourir quand même pas mal de mètres en 3-4 secondes".
"Les entreprises doivent réussir à faire passer le message que du temps de trajet, c'est du temps de trajet. La voiture n'est pas un bureau", insiste-t-elle.
Selon une enquête réalisée par l'Ifop pour l'assureur MMA, plus de 80% des dirigeants de TPE et PME sous-estiment toujours le risque routier professionnel. Ce n'est pas le cas de Spie Batignolles, une grosse entreprise du bâtiment, dont les 8.000 collaborateurs sont régulièrement sensibilisés au sujet.
"C'est à nous, en tant qu'employeur, de veiller à ce que les déplacements puissent se faire dans les meilleures conditions", affirme Eduardo Blanco, responsable santé, sécurité et sûreté chez Spie.
"Tu as du monde qui t'attend à la maison le soir"
Les JSRT permettent à son entreprise de partager les "bonnes pratiques", comme le financement d'une nuit d'hôtel supplémentaire pour que les salariés n'aient pas à se lever trop tôt pour arriver sur un chantier lointain.
Le message est bien reçu dans l'ensemble, même si certains, admet Eduardo Blanco, "sont un peu plus réticents, pensent être en maîtrise et que les règles sont pour les 'bleus'".
"On est souvent face à des croyances bien ancrées", développe-t-il. "On peut aussi utiliser une communication affective, en mettant en avant le côté familial". Quand il écume les routes de l'ouest de la France, le commercial Ylies Sebih a d'ailleurs souvent en tête ses deux garçons.
"Il faut penser que tu as du monde qui t'attend à la maison le soir", témoigne-t-il.
"Il vaut mieux être en retard cinq minutes devant l'école plutôt que de ne jamais y arriver."