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Fichage des salariés: que peut-on faire ou ne pas faire?

Un manager ne peut pas mettre des commentaires sur ses collaborateurs, même si c'est un un carnet à son seul usage.

Un manager ne peut pas mettre des commentaires sur ses collaborateurs, même si c'est un un carnet à son seul usage. - startupstcokphoto-CC

Régulièrement, des polémiques éclatent au sujet de fichiers où des commentaires peu élogieux, voire insultants, sont associés à des salariés. Le cas récent de FO montre que ces pratiques continuent. Pourtant, cette pratique est illégale.

Au sein du syndicat Force ouvrière, la révélation d'un fichier qualifiant une centaine de ses cadres de "bête", "niais", "mafieux", "collabo" et autres noms d'oiseaux a conduit son secrétaire général, Pascal Pavageau à la démission mercredi. Le mois dernier, des salariés de la CPAM de l'Ain ont découvert sur leur intranet un document où ils étaient classés dans des catégories comme "grognons", "passifs", "révoltés". Régulièrement, des faits similaires sont mis au jour. Pourtant, la loi est stricte sur la constitution de fichiers sur les salariés et les informations que les entreprises sont en droit de recueillir. 

Des informations en rapport avec l'activité

"C'est une question de bon sens, l'employeur a le droit de recueillir des informations sur ses employés mais il ne doit pas en abuser. Celles-ci doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie", explique maître Yann Decroix, avocat au cabinet Cornet Vincent Ségurel. Un employeur peut ainsi demander à un salarié de lui fournir l'adresse de son domicile mais aussi sa date de naissance. Mais celui-ci ne pourra pas, par exemple, y ajouter son signe astrologique, qui serait hors de propos.

L'article L1222-2 Code du travail prévoit que les informations ne "peuvent avoir pour finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles". Ainsi, si le salarié est amené un conduire un véhicule de société, il est tout à fait légal de lui demander une copie de son permis de conduire. Ou encore il est en droit de demander des diplômes ou des certificats professionnels.

Des commentaires objectifs

Il n'y a rien d'inconvenant à ce qu'un employeur demande ses mensurations à un salarié…à la condition que ces informations servent à la fourniture d'un uniforme ou d'un équipement de sécurité. S'il s'agit de vérifier si l'IMC de la personne est dans les normes, c'est tout à fait illégal.

A ces informations factuelles, l'entreprise peut ajouter des commentaires. Et c'est souvent là que les dérapages sont les plus nombreux. "Il faut utiliser des critères objectifs, précis et adaptés et s'abstenir de tout commentaire subjectif, à connotation morale, sexuelle ou encore religieuse", précise maître Yann Decroix, qui peuvent entrer dans le cadre du délit pénal.

Ainsi, un manager lors d'un entretien de fin d'année, ne pourra écrire qu'untel est paresseux "puisque cette mention a une connotation morale et est subjective" cite en exemple l'avocat. En revanche, il pourra dire qu'il est lent, car c'est une évaluation que l'on peut faire au regard du travail fourni par ses collègues. Le plus simple est d'établir des grilles d'évaluation et d'appréciation, qui permettent de noter de manière objective le travail du salarié. 

Déclaration auprès de la Cnil

Parfois, il arrive qu'un manager note sur un carnet ou un fichier, pour son usage personnel, des informations sur les gens qu'ils encadrent. "A partir du moment où c'est un manager qui note ou évalue un de ses collaborateurs, on sort du cadre privé. Il s'expose à un rappel à l'ordre pour ne pas avoir respecté le droit ou à des sanctions disciplinaires pour faute grave", met en garde maître Yann Decroix.

Dans tous les cas, une entreprise doit informer ses salariés des données qu'elle collecte ainsi que des méthodes et techniques d'évaluations professionnelles avant leur mise en œuvre. La loi "informatique et liberté" permet à chaque salarié de consulter ses propres données d'évaluation et de demander une copie. Les fichiers informatisés qui comportent des données personnelles, c'est-à-dire permettant d’identifier directement ou indirectement une personne physique, doivent être déclarés à la Cnil.

Coralie Cathelinais