"C'est plus divertissant de changer de travail tous les 4/5 ans": la génération Z n'est pas fainéante, elle comprend qu'elle devra travailler plus longtemps

jeunes diplômés (image d'illustration). - Pexels
Sont-ils les travailleurs fainéants et égoïstes qu'on décrit? Ceux qui refusent toute forme d'autorité et qui vont au boulot en traînant des pieds? Une étude de l'ANDRH (association nationale des DRH) réalisée par Opinionway et consacrée à la Génération Z (grosso modo les moins de 30 ans) et son rapport au travail vient tordre le cou à ces idées reçues.
Les résultats de l'enquête intitulée "Gen Z: quel est le profil des décideurs du futur?" menée auprès des jeunes diplômés (moins de 30 ans et BAC+5) mettent en lumière une génération investie et engagée dans son travail. Ainsi, 86% des jeunes interrogés estiment que le travail a un impact positif sur leur équilibre de vie et leur bien-être global.
"Le travail apparaît ainsi comme une source de satisfaction pour eux, mais leur engagement ne va pas de soi et vient avec des exigences: équilibre, flexibilité, confiance, autonomie, responsabilité...“, explique Matthieu Bax, vice-président de l'ANDRH.
"En réalité, le travail en soi n’est jamais remis en question par ces jeunes générations, il garde une place centrale dans leur vie. Mais le problème, c'est l'entreprise, ils ont des aspirations, et c'est aux entreprises de les gérer et de les intégrer", juge Sophie Sureau, directrice de l'école d'études en ressources humaines ISG RH.
Le travail... à certaines conditions
Ainsi, les jeunes diplômés n'ont pas perdu la valeur travail, comme on l'affirme parfois. "Mais par rapport à notre génération, le travail n'est plus l'alpha et l'omega dans leur vie", analyse Hubert Cotté, directeur pays chez Workday France, une entreprise de logiciels finances et RH.
"Ils sont plus attentifs à l’équilibre pro - vie perso, à la santé et au bien-être, à la culture d’entreprise et à la quête de sens, c'est-à-dire ce que l’entreprise prétend défendre comme valeur et comment ça s’incarne au quotidien."
Leurs aspirations de carrière sont d'ailleurs moins linéaires que leurs aînés. Même si la "Gen Z" apparaît plutôt fragmentée sur ce point. 1/3 des jeunes diplômés imaginent avoir plus de 5 employeurs au cours de leur carrière, quand 21% se voient avec un ou deux employeurs maximum dans leur vie.
En réalité, selon les auteurs de l'étude, tant qu'ils s'épanouissent, les jeunes travailleurs restent volontiers dans leur entreprise. Mais ils n'hésitent pas non plus à démissionner si ça se passe mal.
"Malgré un marché du travail pas forcément favorable, ils n’ont pas peur de quitter un job dans lequel ils se sentent mal, quitte à se retrouver dans une situation délicate", témoigne Sophie Sureau. Ce qu'elle explique par le fait qu'ils ont parfois eu des exemples dans l'environnement familial ou amical de mal-être au travail, et qu'ils n'ont pas envie de répéter ces situations.
"Pour eux, ce n'est pas 'un emploi à tout prix', mais à leurs conditions."
Des futurs managers intermittents
Selon Sophie Sureau, les carrières sont désormais plus volatiles, mais aussi plus longues. "Réformes des retraites successives oblige, c'est une génération qui est en train de comprendre qu’elle va devoir travailler longtemps, voire très longtemps. Donc pour tenir, il va falloir de la pluralité dans les carrières", poursuit la spécialiste.
"C'est plus divertissant de changer de travail tous les 4/5 ans que de rester dans le même. Et ils ont bien compris que pour ne pas s'ennuyer, il faut apprendre."
Selon les auteurs de l'étude, la gen Z a aussi un rapport différent à l'évolution de carrière. Contrairement à une idée reçue, les jeunes travailleurs sont 76% à se dire intéressés par des postes de managers à l'avenir. Mais encore une fois, à leur manière...
Tout d'abord, s'ils acceptent des responsabilités managériales, ils souhaitent recevoir un accompagnement à la prise de fonction, une reconnaissance au delà de la rémunération, un équilibre respecté entre vie pro et vie perso, ainsi qu'une charge de travail compatible avec la santé et le bien-être.
Une évolution de carrière horizontale
Ensuite, ils ne voient pas la fonction de manager comme irréversible. 83% se disent intéressés par la possibilité d'alterner des postes avec ou sans management. "Le modèle des politiques de mobilité verticale où on monte, on monte, est en train d'être revu, pour aller vers une mobilité beaucoup plus horizontale", explique Sophie Sureau.
"Pour eux, le management correspond plutôt à une mission, qui a du sens à ce moment-là, qui les intéresse, qui va leur permettre de développer leurs compétences ou leurs centres d'intérêt. Et après, ils s'accordent la liberté d'en sortir", abonde Hubert Cotté.
Le management "éphémère" est notamment expérimenté dans l'organisation du travail "en mode projets" qui se développe dans les entreprises. "On crée des cellules projets, on identifie les compétences nécessaires pour que le projet aboutisse, on fait abstraction des niveaux hiérarchiques et on amène celui dont la compétence se révèle la plus indispensable à porter le management du projet", détaille Sophie Sureau.
"Aujourd'hui, l’entreprise essaie de s’ajuster à ce que cette génération implique en termes de réorganisation."
* Sondage OpinionWay pour l'ANDRH auprès d'un échantillon national représentatif de 1 002 actifs en entreprises de 50 salariés ou plus, de moins de 30 ans, de formation au moins Bac +5. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, et de région. Les interviews ont été réalisées du 5 au 23 mai 2025.