Trois ouvriers morts en Côte d'Or: pourquoi les chiffres des accidents mortels ne baissent pas en France

Construction d'une maison le 28 septembre 2015 - Philippe HUGUEN
Ils avaient 45, 56 et 58 ans. Trois ouvriers sont morts ce mardi 13 mai, écrasés par l'effondrement d'un mur sur un chantier à Pommard, en Côte-d'Or. En moyenne, chaque jour, deux personnes meurent au travail et 100 sont blessées gravement, selon le ministère du Travail.
En 2023, 759 personnes ont perdu la vie à la suite d’un accident du travail, 21 de plus qu'en 2022, selon les derniers chiffres disponibles de l'Assurance maladie. Un chiffre en constante augmentation depuis 2020 (année du Covid).
Il faut aussi savoir que ces statistiques sont largement sous-estimées car elles ne concernent que les salariés affiliés au régime général et excluent la fonction publique, les agriculteurs, les chefs d’entreprise et les microentrepreneurs.
Enfin, même rapporté à la population, on meurt plus au travail qu'il y a 10 ans. Le taux d'incidence pour 100.000 personnes calculé par Eurostat est passé de 3,48 morts en 2012 à 4,38 morts en 2022 en France.
"Cadences élevées" et "recours à la sous-traitance"
Alors comment expliquer cette augmentation? La CGT déplore notamment la disparition sous le premier quinquennat Macron des CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), désormais intégrés au CSE (comité social d'entreprise). Le syndicat demande également le doublement du nombre d'inspecteurs du travail, dont les effectifs sont en chute.
Il faut aussi savoir que les ouvriers, les jeunes salariés et les intérimaires sont particulièrement exposés aux accidents. Enfin, le secteur du bâtiment concentre de nombreux accidents et un tiers des morts au travail.
La CGT Construction dénonce "les cadences élevées" et le "recours à la sous-traitance" et appelle à "renforcer les mesures de protection".
"Il est compliqué de faire des généralités, chaque cas étant unique. Mais quand on analyse le contexte de survenue d’un accident, il ressort le plus souvent que le travail était fait en situation d’urgence, aggravé par un contexte récurrent de manque de personnel, souvent pour des raisons d’économies", expliquait la sociologue à l’École des hautes études en santé publique Véronique Daubas-Letourneux dans un entretien accordé au magazine spécialisée Santé et sécurité.
Des comparaisons internationales difficiles
Mais alors la France fait-elle moins bien que ses voisins européens? Si l'on ne regarde que les chiffres bruts, on serait tentés de le penser. Selon les données d'Eurostats, la France apparait en queue de peloton avec le 4ème pire taux d'accidents mortels pour 100.000 habitants.
Sauf que les méthodes de calculs varient entre les pays. "Il n’y a pas d’harmonisation européenne, explique Raphaël Haeflinger, directeur d’Eurogip, un observatoire dédiés aux accidents de travail à l'échelle européenne, au magazine Santé et sécurité.
"En France, il y a une présomption d’imputabilité très stricte qui fait que tout accident survenant au lieu et temps du travail est présumé lié au travail et déclaré comme tel. Dans les autres pays, il faut toujours établir un lien de causalité entre le travail et le sinistre", décrypte-t-il.
Ainsi, pour les décès, les malaises et AVC survenus sur le lieu de travail sont également intégrés aux statistiques françaises, contrairement à la plupart des autres pays.