Plus d'indemnité chômage après deux refus de CDI: en entreprise, la mesure ne convainc pas

Décliner une offre de CDI n'est plus sans conséquence pour les salariés. Depuis le 1er janvier, les personnes employées en CDD qui refuseraient un CDI à deux reprises en moins de douze mois aux mêmes conditions, n'auront plus le droit aux indemnités de l'assurance chômage. En clair, le contrat, proposé à l'issue du CDD au salarié, doit prévoir les mêmes missions, les mêmes horaires et le même niveau de rémunération.
Inscrite dans la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail, cette nouvelle procédure n'était pas encore entrée en vigueur jusqu'à la publication du décret d'application fin décembre.
Pour Cécile Velasquez, secrétaire générale de la fédération CGT des organismes sociaux, cette mesure illustre "une nouvelle fois une volonté de stigmatiser les plus précaires" de la part du gouvernement. "C'est sous-entendre que les gens rechignent à travailler", ajoute-t-elle.
"Culpabilisation du chercheur d'emploi"
Un avis largement partagé du côté des entreprises. Benoît Serre, le vice-président de l'Association nationale des directeurs des Ressources humaines (ANDRH) estime qu'elle participe à un "système de culpabilisation du chercheur d’emploi".
"On part du principe qu’il n'y a qu’une seule raison pour laquelle un salarié refuserait un CDI: parce qu’il ne veut pas bosser", développe-t-il, avant d'objecter, "il y en a mais ils sont minoritaires".
"Deux refus, cela peut aller vite", estime Céline Velasquez. "Parfois, quand on n'a pas le choix et qu'on doit reprendre un emploi rapidement, on prend des postes de façon temporaire avec des horaires qui ne nous conviennent pas vraiment, sans solution de garde durable ou encore sans connaître la réalité du poste", ajoute la représentante syndicale.
"Des règles plus incitatives"
Début janvier, le ministre du Travail de l'époque Olivier Dussopt avait tenté de justifier cette mesure décriée.
"Si vous êtes employeur et que vous avez un employé en CDD et que cet employé vous démontre de manière assez caractérisée qu'il n'a pas envie de travailler avec vous, vous n'allez pas forcément lui proposer de continuer. Par contre si vous galérez à recruter depuis des années et que vous proposez des conditions de rémunération et de travail correctes et que vous vous heurtez en permanence à des refus de CDI, il est normal qu'on ait des règles plus incitatives", avait-il avancé sur CNEWS.
"Ca ne correspond à la réalité opérationnelle. On ne constate pas ça quand un CDD s'est bien passé", tranche le représentant des DRH.
Mais le problème réside aussi dans le rôle que le gouvernement force l'employeur à adosser. Le décret précise qu'il devra informer France Travail, l'organisme qui remplace Pôle emploi depuis le début d'année, en cas de refus de CDI aux mêmes conditions par un salarié en CDD.
"On demande aux entreprises de dénoncer", déplore Benoît Serre. "C'est plus qu'une ligne rouge qui est franchie", dénonce Céline Velasquez.
Une "usine à gaz"
Sans compter la charge administrative supplémentaire que cela implique pour l'employeur qui devra s'enregistrer sur une plateforme et entrer des informations sur l'entreprise, le salarié ainsi que sur les détails du poste.
"Avec une telle usine à gaz, il va se passer quoi? Les employeurs ont autre chose à faire, un certain nombre ne le fera pas", a prévenu Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) dans les colonnes du Parisien.
Enfin, cette sanction questionne à l'heure où de nombreuses organisations tentent de rétablir un lien de confiance avec leurs salariés. "Alors que l'on travaille encore à reconstituer du collectif après le Covid et à recréer du lien, ce n'est pas le moment", juge Benoît Serre, qui voit dans cette mesure de sanction une disposition qui oppose les employeurs à leurs salariés.