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Les enseignants français sont-ils sous-payés par rapport à leurs homologues voisins?

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La question agite régulièrement les débats alors qu'entre en vigueur le 1er septembre prochain une augmentation de 10% des rémunérations.

La question est historiquement sensible. Les enseignants français sont-ils en moyenne bien moins payés que leurs homologues européens ou mondiaux? Régulièrement, les syndicats mettent en avant des chiffres démontrant des écarts de salaires très importants avec des pays comparables, notamment en Europe.

La faiblesse des salaires serait même à la source des difficultés d'attirer dans le métier. A la veille de la rentrée 2023/2024, plus de 3100 postes n'ont ainsi pas été pourvus aux concours enseignants.

Face à la grogne du corps enseignant, depuis des mois voire des années, le gouvernement a promis de revaloriser les salaires de 10%, ce qui sera effectif en septembre. "Tous les professeurs (titulaires et contractuels, NDLR) bénéficieront à ce titre d’une hausse de rémunération de près de 100 euros nets par mois" annonçait en avril dernier le ministère de l'Education nationale.

Les effets de l'augmentation des rémunérations des enseignants
Les effets de l'augmentation des rémunérations des enseignants © Ministère de l'Education nationale

Concrètement, le gouvernement souhaite doubler le montant de la prime statuaire perçue et faire en sorte que la rémunération des professeurs titulaires en début de carrière passe au-dessus des 2000 euros nets par mois.

Pour l'OCDE, jusqu'à 19% d'écart pour un professeur des écoles

Insuffisant pour les syndicats. Selon le Snes-Fsu, il s'agira en réalité de "5,5% en moyenne. Il faut rappeler que les enseignants ont perdu entre 15 et 25% de pouvoir d’achat en 20 ans". "Il faudra soustraire la récente augmentation de 3,5% du point d'indice (en juillet 2022, NDLR) à ces 10%" ajoute la CGT. De quoi maintenir un écart abyssal selon eux entre les salaires des enseignants français et ceux de l'OCDE.

Le dernier rapport "Regards sur l’éducation" 2022 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) leur donne raison. Les professeurs des écoles gagnent en effet "10% de moins que la moyenne de l’OCDE et, après 15 ans d’ancienneté, 19% de moins" souligne Mathias Cormann, le secrétaire général de l’organisation auprès de L'Etudiant.

Ils gagnent 34.000 euros bruts par an, contre 42.000 euros pour la moyenne de l’OCDE. Ce sont ces chiffres qui sont régulièrement mis en avant par la profession.

Même chose dans le second degré où la rémunération est 3% inférieure, primes incluses, à la moyenne de l'OCDE, à savoir 35.709 dollars par an (en début de carrière , au collège en 2021, pour les qualifications minimales, incluant les primes obligatoires) contre 36.998 dollars en moyenne dans l'OCDE et 37.596 dollars en moyenne dans l'Union européenne. Chez nos voisins allemands, cette moyenne est même de 77.358 dollars et de 48.796 dollars en Espagne.

Des différences nuancées en prenant en compte le salaire effectif

Au global, la France se classe au 17e rang sur 38 en matière de rémunérations.

"Les salaires statutaires des enseignants en France restent inférieurs à la moyenne de l'OCDE à chaque étape de la carrière à tous les niveaux d’enseignement sauf dans le pré-élémentaire" concluent les auteurs du rapport.

Mais pour le cabinet d'études Asterès, qui se base sur la même étude de l'OCDE, "l’écart de rémunération est nettement plus faible lorsqu’est considéré le salaire effectif". En effet, "afin de comparer les rémunérations réellement perçues par les enseignants, il semble préférable de retenir le salaire effectif (incluant notamment les primes et allocations) au salaire statutaire" peut-on lire dans une note publiée ce lundi.

"Dans ce cas, d’après les calculs d’Asterès, les salaires effectifs moyens des enseignants du périprimaire, du primaire et du secondaire du premier et deuxième cycle étaient, en 2021, inférieurs de 2% en France par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE" assure le cabinet.

Par ailleurs, les différences mises en avant par le rapport de l'OCDE doivent être nuancées par les variations des niveaux de vie.

"Par exemple, les salaires statutaires en début de carrière dans le primaire étaient de 71.812 dollars au Luxembourg en 2021, contre 16.534 dollars en Lettonie. Cet écart s’explique avant tout par la différence de niveau de vie moyen et de salaires moyens entre ces deux pays et n’indique pas que, au vu des salaires moyens de ces pays, que les enseignants luxembourgeois ou lettons sont sur ou sous rémunérés" souligne-t-on.

Des rémunérations qui ont déjà augmenté mais bien moins qu'ailleurs

Conséquence selon Asterès, "la rémunération des enseignants français semble comparable à celle des pays de l’OCDE".

Et de conclure: "la seule comparaison des salaires des enseignants entre pays de l’OCDE est insuffisante pour conclure au fait que les enseignants sont sur ou sous-payés dans un pays. En 2021, les salaires moyens en France étaient inférieurs de 3% à la moyenne des pays de l’OCDE. Ainsi, l’écart de 2% entre les salaires des enseignants français et les enseignants de l’OCDE semble plus être dû à un écart global de salaires qu’au fait que les enseignants français soient "souspayés" par rapport aux autres pays.

Au-delà des salaires statutaires ou effectifs, d'autres données semblent démontrer un certain retard français. Exemple avec la progression des rémunérations.

Selon le rapport de l'OCDE, les salaires des enseignants certifiés de collège ont progressé de 4,5% entre 2015 et 2021, à prix constants, contre une hausse de 6,2% en moyenne dans l’OCDE et même de 9,6% en Allemagne.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business