Le travail carcéral en question

Le droit du travail en prison est encore dérogatoire - -
C'est ce vendredi à 13h que l'avis du conseil des prud'hommes est attendu sur le droit du travail en prison. S’il y a un droit dérogatoire appliqué à l'univers carcéral, la rémunération des détenus est inférieure au Smic (entre 4 et 6 euros de l'heure soit 45% du SMIC) et il n'existe pas de contrat de travail.
Une détenue ayant travaillé en prison demande que le droit du travail s'applique aussi en détention. Cette femme de 36 ans, en détention provisoire à la maison d'arrêt de Versailles, a été employée comme téléopératrice pendant 8 mois. Elle gagnait en moyenne 120 à 150 euros pour 60 heures de travail par mois, soit entre 2 et 3 euros de l'heure. Elle reproche à l'entreprise de l'avoir licenciée abusivement (elle avait passé des appels personnels pendant son temps de travail) et demande le versement d'arriérés de salaire.
« A tâche égale, salaire égal »
Maître Fabien Arakélian, son avocat, dénonce une véritable « exploitation » : « un détenu qui travaille doit-il être payé comme un salarié. A tâche égale, salaire égal. Sauf à ce qu’on me dise que le détenu est un sous-citoyen, et dans ce cas je m’incline. Lorsqu’on gagne 117 euros pour 60 heures de travail par mois, soit moins de 2 euros de l’heure, je n’appelle pas ça de la réinsertion. » Il évoque également un avantage à augmenter la rémunération des détenus : « il y a une part pour la victime. Ce seront des sommes plus importantes pour elles. »
« La question est de trouver des entreprises intéressées »
Maître Arnaud Clerc, qui représente la défense dans cette affaire, est plus circonspect : « Le détenu n’est pas un salarié comme les autres. La question est de savoir si demain, je pourrai toujours trouver des entreprises qui accepteront de faire travailler des détenus au même salaire que les autres, alors qu’elles ne peuvent ni choisir ce salarié, ni le contrôler, ni le sanctionner. Il faut trouver des entreprises intéressées pour faire travailler des détenus. »
Une législation « archaïque »
Marie Crétenot, juriste à l'Observatoire international des prisons, dénonce des conditions de travail « inacceptables qui ne seraient pas tolérées à l’extérieur ». Elle évoque une législation française parmi les plus archaïques d’Europe. « On peut avoir des rémunérations de l’ordre d’un euro de l’heure, sachant que c’est un système de rémunération à la pièce dans les ateliers, il faut suivre une certaine cadence dans des conditions d’hygiène et de sécurité pas toujours satisfaisantes. Dès qu’une personne se plaint un peu, elle est licenciée sur le champ » déplore la juriste.
Ce vendredi matin, un débat a eu lieu sur RMC entre deux auditeurs : Thomas, chauffeur-livreur, a été détenu pendant trois ans et a travaillé pendant sa détention, face à Michel, agent de sécurité dans l’Oise. Si l’ancien prisonnier, qui appelait de l’Essonne, est resté conscient de sa « dette à payer », il a deamndé davantage de respect : payé 200 euros pour trente heures mensuelles, il a évoqué des conditions de travail difficiles : « on nous parlait vraiment très mal ». S’il n’a pas réclamé le même type de contrat de travail que tout salarié, il est pour une revalorisation du salaire à au moins 75% du Smic. Michel, agent de sécurité dans l’Oise, est resté sceptique : « Qu’ils demandent du respect, c’est normal. Maintenant, ils ne devraient pas être considérés comme des salariés qui se lèvent le matin de bonne heure. Aller expliquer à une famille victime comme quoi le coupable touche quasiment le même salaire que tout salarié, ça va être difficile. »
Le travail carcéral a déjà concerné 27,7% des 63 000 personnes en détention.