"Ils sont revenus au bureau par crainte": pourquoi la CGT a tracté auprès des cadres d'Amazon pour la première fois

Amazon recrutera au siège France situé à Clichy (Hauts-de-Seine) et dans ses quatre centres de distribution situés à Lauwin-Planque (Nord), Montélimar (Drôme), Saran (Loiret) et Sevrey (Saône-et-Loire). - Philippe Huguen-AFP
"Ils ont été plutôt surpris." Pour la première fois, le 5 mars dernier, la CGT est allée tracter devant le siège d'Amazon France à Clichy. "Il y a très peu de syndiqués parmi les cadres du siège, ils n'ont pas l'habitude de voir un tract militant, donc il y avait beaucoup de curiosité", explique Guillaume Robin, représentant syndical CGT.
La raison de ce tractage inédit? Un mail envoyé il y a quelques mois par le directeur général d'Amazon, Andy Jassy, mettant fin au télétravail et ordonnant à tous les salariés du groupe dans le monde de revenir au bureau tous les jours à partir du 2 janvier dernier.
"À ce moment-là, un certain nombre de salariés sont revenus par crainte de perdre leur emploi", affirme Guillaume Robin.
"Maintenant, même les cadres peuvent être attaqués"
"Il y a eu des menaces de certains manageurs ou RH disant que rester en télétravail serait de l'insubordination, il y a aussi Andy Jassy, qui a dit en privé que les employés qui refusaient, l'entreprise n'était peut-être pas faite pour eux", assure-t-il. La preuve selon Guillaume Robin que "maintenant, même les cadres peuvent être attaqués".
Pourtant, selon lui, la direction n'a pas le droit d'exiger que le retour des salariés 100% en présentiel, compte tenu d'un accord sur le télétravail signé en 2021 et applicable aux cadres de l'entreprise.
Ce document comporte certes une clause de réversibilité. Elle prévoit la fin du télétravail pour un salarié si le travail fourni par ce dernier ne donne pas satisfaction ou si les besoins de son service ont évolué et nécessitent sa présence sur site. Mais pour Guillaume Robin, ces critères doivent s'apprécier au cas pas cas, pour un salarié. "Ce n'est pas légal de supprimer le télétravail pour tout le monde de cette manière."
Renforcer "la culture d'entreprise" et "innover"
"Le retour au bureau nous aide à innover, à collaborer et à être suffisamment connectés les uns aux autres et à notre culture d’entreprise pour offrir le meilleur aux clients et à l'entreprise", justifie de son côté la direction d'Amazon France auprès de BFM Business. Interrogée sur l'accord sur le télétravail des cadres, l'entreprise n'a pas répondu.
Elle précise néanmoins que "comme c’était le cas avant la pandémie de COVID-19, nos salariés continueront à avoir la flexibilité de travailler chez eux lorsqu’ils en ont besoin". Dans son courrier aux employés Andy Jassy donnait des exemples de cas pour lesquels le télétravail était toléré: "Si vous ou votre enfant étiez malade, si vous aviez une urgence domestique, si vous étiez en déplacement pour voir des clients ou des partenaires, si vous aviez besoin d'un jour ou deux pour terminer le codage dans un environnement plus isolé, les gens travaillaient à distance."
Pour la CGT, qui a décidé d'engager des recours juridiques, cet appel a avant tout pour but de "faire partir les gens". Elle dénonce un "plan de licenciements masqué" et assure que "certains cadres ont déjà démissionné", sans en préciser le nombre. Dans son mail, Andy Jassy annonçait d'ailleurs une réduction du nombre de manageurs.