82% des femmes poursuivant une carrière scientifique ont été victimes de stéréotypes de genre

"Les maths, c'est pas pour les filles". "Les jeunes femmes sont davantage faites pour les carrières littéraires". Ou encore: "les filles ne sont pas au niveau en mathématiques pour suivre des études scientifiques."
82% des femmes intéressées par les métiers techniques ont entendu au cours de leur scolarité des préjugés ou des stéréotypes selon les chiffres de la consultation Opinionway* pour Elles bougent, association engagée pour renforcer la mixité dans les secteurs industriels et technologiques. Un chiffre stable qui reste préoccupant selon Valérie Brusseau, présidente de l'association.
"Les stéréotypes n'évoluent pas assez vite à mon goût", confirme celle qui est aussi directrice dans la R&D industrielle depuis vingt ans.
Ces propos stéréotypés ou biais de genre viennent en majorité des "prescripteurs d'orientation" pour reprendre les termes du collectif, que ce soient les parents, le personnel enseignant ou encore "la société" de manière indirecte. Et ce qui pose problème dans la persistance de ces commentaires stéréotypés c'est qu'ils peuvent décourager les jeunes filles à poursuivre dans cette filière ou à assumer leur vocation. Selon les chiffres de l'enquête, une femme sur cinq serait dissuadée de poursuivre dans la voie scientifique.
Ces stéréotypes sont intériorisés dès le plus jeune âge, puisque les petites filles seraient exposées dès le CM1 à des commentaires liés à leur genre. Une précédente enquête avait montré que les enfants ont une représentation encore très sexuée de nombreux métiers, associant naturellement des métiers techniques ou l'armée comme "des métiers pour les hommes".
Un quart de femmes parmi les ingénieurs
Concernant les effectifs, le tableau s'améliore un peu. Les jeunes filles représentent 25 à 30% des étudiants des écoles d'ingénieurs, même si des disparités importantes selon les écoles existent. La parité dans les écoles scientifiques s'est nettement améliorée, puisque la proportion de femmes a doublé depuis 12 ans (12% des effectifs en 2005 dans les filières scientifiques contre plus du quart aujourd'hui). Le choix de poursuivre dans des domaines scientifiques s'explique par l'attrait des jeunes femmes pour la matière scientifique, pour un secteur d'activité ou en raison de bons résultats scolaires.
Dans la suite de leur carrière, les femmes sont représentées dans un quart des métiers techniques ou scientifiques. "Cet écart indique une déperdition dans l'industrie, avec des jeunes femmes qui se dirigent vers des cabinets ou de la para-industrie à la sortie de leurs études", relève encore la présidente de l'association.
On peut y lire la persistance d'un environnement compétitif qui peut décourager les jeunes femmes. Pourtant, les environnements compétitifs ne sont pas seulement le lot des métiers scientifiques.
"Le syndrome de l'imposteur reste plus marqué dans ces domaines scientifiques où l'environnement est très masculin", explique Valérie Brusseau.
"En premier lieu car les femmes souffrent de biais de genre, mais en plus quand vous êtes minoritaires et qu'il n'y a que peu de modèles féminins auxquels s'identifier, il est plus difficile de se sentir légitime dans la compétition". Une sorte de double peine pour les femmes scientifiques. Pendant leur carrière, 81% des femmes pensent que les hommes accèdent plus facilement aux postes à responsabilités.
Vers la mise en place de quotas obligatoires?
Plus grave encore, 20% des étudiantes relèvent des faits de violence à leur égard (dont des violences sexistes et sexuelles). Pour changer cet état de fait, selon la présidente de l'association, Valérie Brusseau, il faut aller "plus vite, plus fort, plus loin". L'association, qui existe depuis 2005 revendique 11.000 marraines et explique toucher 40.000 jeunes filles par année.
A la suite de son enquête, l'association publie des recommandations qui pourraient avoir force de loi, dont une campagne nationale de sensibilisation à l'égalité des sexes, une formation à destination des enseignants pour déconstruire les stéréotypes, ou encore la mise en place de formations obligatoires à l'égalité et à l'inclusivité en entreprise. Encore plus audacieux, l'association milite pour la mise en place de quotas dans les écoles d'ingénieurs, à l'instar de la loi Rixain, qui impose des quotas dans les postes de direction des grandes entreprises.
La mise en place de quotas dans l'industrie n'est elle souhaitée que par 31% des répondantes.
*La consultation a été menée du 25 mars au 15 avril sur un panel représentatif de 6.125 femmes, élargi aux non-adhérentes du collectif pour davantage de représentativité.