EDITO. Trump, Milei, Meloni... Ils se disent tous libéraux mais le sont-ils vraiment?

Et si le plus grand danger pour le libéralisme venait… de ceux qui s’en revendiquent?
Aujourd’hui, nombreux sont les dirigeants politiques à se réclamer du libéralisme : Donald Trump aux États-Unis, Javier Milei en Argentine, Viktor Orbán en Hongrie, Giorgia Meloni en Italie... Tous mettent en avant la liberté économique, la baisse des impôts, la déréglementation et prônent un État minimal.
Sur le papier, l’engagement semble clair. Mais qu’observe-t-on concrètement? Un État de droit remis en cause, des magistrats sous pression, des attaques répétées contre la presse, des contre-pouvoirs affaiblis. Ce n’est pas du libéralisme. C’est un pouvoir autoritaire caché sous le maquillage du marché libre.
Le juriste et philosophe allemand Hermann Heller avait déjà identifié cette dérive en 1932, la désignant comme du "libéralisme autoritaire", en réaction à un célèbre discours du philosophe Carl Schmitt devant le patronat allemand.
Cette forme dévoyée du libéralisme fait aujourd’hui un retour remarqué dans les débats intellectuels, notamment à gauche, pour dénoncer ses dérives, mais également à droite.
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, vient ainsi de publier un bref manifeste intitulé Ne rien céder, dans lequel il affirme que "le libéralisme authentique ne va pas sans un conservatisme assumé". Ce matin, le philosophe Gaspard Koenig lui répond dans Les Échos, en livrant une critique argumentée de cette vision. Mais toutes ces interprétations semblent passer à côté de l’essentiel.
Le libéralisme contre l'abus d'autorité
Peut-on véritablement concilier autoritarisme politique et libéralisme économique? Non, ces deux concepts étant, par essence, antinomiques. Le libéralisme s’est historiquement construit contre l’abus d’autorité.
Le vrai libéralisme, ce n’est pas "moins d’État" pour imposer plus de pouvoir. C’est "moins d’État" pour garantir plus de libertés.
Comme le rappelle la philosophe Monique Canto-Sperber dans son dernier ouvrage, le libéralisme n’est pas une idéologie élitiste ou brutale. Il est profondément populaire. Il fait de la liberté un levier puissant contre la pauvreté et l’exclusion.
Il repose sur des règles claires, des droits garantis, des institutions solides.
Responsabilité
Et si nous ne défendons pas cette tradition — notamment en France, où le terme "libéralisme" a trop souvent été diabolisé —, alors ce mot finira par devenir une coquille vide. Ou pire : un prétexte pour restreindre les libertés qu’il est censé protéger.
Il faut donc être clair : le libéralisme, ce n’est pas la brutalité. C’est la responsabilité.
Ce n’est pas la domination. C’est la limitation du pouvoir par les contre-pouvoirs.
Dans un monde confronté à des bouleversements majeurs — technologiques, climatiques, géopolitiques —, nous aurons plus que jamais besoin de libertés véritables. Ne laissons pas le libéralisme être confisqué par ceux qui en trahissent l’esprit.