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ÉDITO. Retraites: un débat ok, mais lucide!

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François Bayrou consulte les partenaires sociaux avant sa déclaration de politique générale. Il est beaucoup question de retraites, "sans aucun tabou". Est-ce qu’on pourrait revenir à 62 ans?

Le Medef, la CFDT et la CPME ont été reçus mardi à Matignon. Mercredi, c'est au tour de la CGT. Le Premier ministre consulte à tour de bras avant sa déclaration de politique générale le 14 janvier.

Et dans le bureau de François Bayrou, on parle beaucoup retraites en ce moment. "Tout est sur la table", paraît-il, "sans tabou", y compris sur l’âge légal de départ en retraite. Une ouverture pour tenter de décrocher la gauche de La France insoumise. Mais attention de ne pas le faire à n'importe quel prix.

Revenir sur la retraite à 64 ans serait totalement délirant au vu de nos finances publiques. S'il faut vraiment rouvrir les discussions sur les retraites, que cela se fasse sur la base d’un constat éclairé. Qu’on ne se raconte pas d’histoire!

Un régime toujours déficitaire

Le constat, quel est-il? Il faut garder à l'esprit que même après la réforme de 2023, notre régime reste déséquilibré: 6,1 milliards de déficit en 2024, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), et ce sera le double en 2030 et le quadruple en 2070.

C'est simple: on a trop de seniors et pas assez d’actifs pour les financer. Aujourd’hui à cause du chômage, demain à cause de la baisse de la natalité. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant. En 2040, le pic de population active de la France commencera à décroître (-50.000 personnes par an). Puis en 2045, le taux de remplacement aura baissé de 30%.

L’Edito de Raphaël Legendre : Ouvrir les yeux sur l'état de nos retraités - 08/01
L’Edito de Raphaël Legendre : Ouvrir les yeux sur l'état de nos retraités - 08/01
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Ne pas toucher à la répartition, c’est assumer une paupérisation des retraités. Alors que peut-on faire? Si l'on désire conserver tel quel notre modèle de répartition, les seules alternatives sont cotiser plus, travailler plus longtemps ou baisser les retraites.

Ou alors on réfléchit plus large, on ouvre le spectre de la réflexion, on pense à des alternatives. Et pourquoi pas la mise en place de poches de retraite par capitalisation pour tous, comme seuls les fonctionnaires en bénéficient aujourd’hui.

Un sujet de long terme, car il faut d'abord constituer plusieurs centaines de milliards de réserves, mais incontournable au vu de la baisse des naissances. Grâce à la capitalisation, les Pays-Bas dépensent deux fois moins que la France pour payer les retraites (14 points de PIB d’un côté, 7 de l’autre) mais disposent de retraites 30% supérieures.

Chiffon rouge pour la gauche

Le hic, c’est qu'il s'agit d'un chiffon rouge pour la gauche. À tort! Jean Jaurès, le père du socialisme en France, défendait la capitalisation.

"Ceux qui font un monstre de la capitalisation commettent une erreur étrange, écrivait-il dans L’Humanité en 1909.

"La capitalisation, fonctionnant au compte et au profit du prolétariat [...] est, sous les formes que permet le système capitaliste [...], un fragment de socialisation", affirmait-il. À méditer avant l’ouverture des négociations avec le PS.

Raphaël Legendre