EDITO. Réouverture du débat sur les retraites: attention, danger!

Peut-être est-ce ce que l'on a un temps appelé "la pensée complexe" en macronie? Ce jeudi, François Bayrou a dit tout à la fois qu’il ne voulait pas abroger la dernière réforme des retraites, tout en indiquant chercher “une solution en commun” pour apporter "des améliorations" d’ici septembre à la réforme de 2023. Jusqu'à remettre en cause l'âge légal de départ à 64 ans tout de même... Et "en même temps", que si partis et syndicats n'arrivaient pas à se mettre d’accord, on en resterait à la loi actuelle.
On comprend mieux pourquoi les invités de François Bayrou sont ressortis perplexes de leur rendez-vous hier à Matignon, en indiquant que les propositions du Premier ministre étaient un peu floues.
Quelle que soit l'issue de cette proposition, revenir sur la réforme des retraites serait catastrophique. La pire des idées...
On comprend la logique: François Bayrou pense attirer la gauche dans son sillage avec le hochet des retraites, avec une grande conférence sociale de janvier à septembre réunissant partis et partenaires sociaux... Il coche toutes les cases du bingo de la démocratie sociale.
Mais ce n'est pas comme si l’on n'en avait pas eu déjà cent depuis le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. On peut rappeler Jean-Paul Delevoye aussi, l’ancien Haut commissaire aux retraites.
Revenir sur la réforme de 2023 serait la pire des idées parce que s’il y a une chose plus importante que de trouver des appuis à gauche pour maximiser la durée de vie du gouvernement, c’est le redressement des comptes publics. Et jouer la réforme des retraites à la roulette, c'est revenir sur la seule réforme importante du quinquennat. Importante et utile.
Elle va rapporter 1,5 à 2 milliards de recettes supplémentaires grâce à l’augmentation du taux d’emploi des seniors. Elle permet d’économiser près de 18 milliards à horizon 2030 et 10 milliards dès 2027. La seule économie importante des dix dernières années dans un océan de hausse des dépenses. Enfin, elle a permis de revaloriser les petites retraites, pour des montants qui atteindront 4 milliards en 2027, et même 5,5 milliards en 2030. C'est de la justice sociale.
Réactions mitigées
A l'inverse, revenir sur cette réforme coûterait entre 15 milliards selon l’Etat et 50 milliards selon l’Institut Montaigne, avec tous les effets induits.
Alors par pitié, ne touchez pas à la réforme des retraites... La France accuse un déficit de 6 % et emprunte aujourd'hui aux taux de la Grèce, ce n'est pas le moment de revenir sur le seul effort de la décennie.
C'est peu dire que les réactions ont été mitigées à la sortie de la réunion à Matignon. À gauche, la circonspection le disputait au désarroi. Olivier Faure s’est dit “consterné par la pauvreté de ce qui est proposé" et “n’a pas trouvé de raison de ne pas le censurer". Idem pour les écolos.
François Bayrou a demandé aux partis de se prononcer d'ici midi sur sa proposition, mais il y a peu de suspens. "L’offre publique de participation aux partis politiques", comme l'a appelé Matignon hier, a clairement fait pshit.