EDITO. "On pensait que vous étiez socialistes!": Jordan Bardella joue la carte pro-business devant les patrons mais reste ambigu

Jordan Bardella, président du Rassemblement national, le 18 novembre 2024 - BFMTV
À l’automne, il publiera un nouvel ouvrage présenté comme "une ode à la France qui travaille". Presque du Nicolas Sarkozy dans le texte… Avec Jordan Bardella à sa tête, le Rassemblement national serait-il en train de devenir pro-business?
Le remplaçant potentiel de Marine Le Pen à la présidentielle continue de soigner son image auprès d’un monde économique historiquement réticent à l’endroit de sa formation politique. Lundi, c'était opération séduction devant les membres du réseau Ethic, réunis à l’Interallié par leur présidente Sophie de Menthon.
"On pensait que vous étiez socialiste !"
Le journal L’Opinion relate une scène marquante survenue en fin de déjeuner. Sophie de Menthon, provocatrice, lance à Bardella :
— "Vous ne seriez pas un peu de droite ?"
— "Je ne l’ai jamais caché!", lui répond-il en riant.
— "On pensait que vous étiez socialiste!", s’étonne la cheffe d’entreprise.
Rires dans la salle, suivis d’applaudissements nourris. Le président du RN semble avoir marqué des points.
Alors, Bardella séduit-il vraiment le patronat? Plus que Marine Le Pen, qui déclarait encore récemment sur LCI que réduire le nombre de fonctionnaires était "un truc de droite".
Depuis les dernières législatives, les portes des comex s’entrouvrent pour le RN. Durant la campagne, Bardella a parlé croissance, stabilité, fiscalité. Il a promis de ne pas bouleverser les équilibres macroéconomiques. Un discours rassurant, notamment face aux craintes suscitées par le programme du Nouveau Front populaire.
Des promesses, des doutes
Mais les réserves demeurent. Le président du Medef a renvoyé dos à dos RN et NFP, qualifiant leurs programmes de "dangereux pour l’économie". Dans les conseils d’administration, la méfiance reste palpable.
Le flou du programme économique du RN persiste. Bardella promet la suppression de la CVAE d’ici 2027, des hausses de salaires via des exonérations patronales, un prêt à taux zéro jusqu’à 100.000 euros pour favoriser l’accession à la propriété... Mais les financements restent introuvables.
Selon les estimations, le coût de son programme oscille entre 70 et 120 milliards d’euros par an. La lutte contre l’immigration ne suffira pas à combler les 30 milliards nécessaires pour revenir à un départ à la retraite à 62 ans (voire 60 ans pour certains). Quant aux promesses de baisse des dépenses, elles s’affichent sans calendrier ni précisions.
Bardella veut moins d’immigration, mais plus de main-d’œuvre. Il veut baisser la TVA tout en préservant les services publics. Il souhaite augmenter les salaires, tout en allégeant les charges.
Cherchez l’équilibre. Il manque.
Et surtout, la ligne reste floue : tantôt libérale, tantôt protectionniste. Tantôt favorable à la dérégulation, tantôt interventionniste. Il invoque la liberté économique, mais attaque Bruxelles, l’euro et l’ouverture des marchés.
Sur les retraites, sur la dette, le silence persiste.
Au fond, le duo Bardella–Le Pen joue l’équilibriste : rassurer les marchés sans effrayer sa base électorale. Mais à trop flirter avec l’ambiguïté, le RN pourrait perdre sur deux fronts : la confiance des milieux économiques… et celle de ses électeurs.