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EDITO. Les critères de Maastricht bientôt mis entre parenthèses pour financer l'effort de guerre

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L'EDITO DE RAPHAËL LEGENDRE. L'Europe doit se réarmer de manière urgente, a déclaré dimanche la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à l'issue du sommet exceptionnel de Londres. Pour y arriver, "les États membres ont besoin d'une plus grande marge de manœuvre budgétaire", a-t-elle ajouté. Est-on en train de vivre la fin du dogme des 3%?

Cela fait des années que les Français plaident pour sortir leurs dépenses militaires du calcul de leur déficit auprès de Bruxelles. François Hollande y avait poussé après les attentats de 2015 et l'engagement des troupes françaises au Sahel. Emmanuel Macron lui-même avait dénoncé le dogme des 3% comme “une règle d’un autre siècle” fin 2019 dans The Economist... En vain. L'Europe a toujours résisté.

Jusqu'à la guerre en Ukraine. Un "game changer". Paradoxalement, c'est peut-être Donald Trump, qui en tournant le dos à l’Europe, arrivera à faire ce que plusieurs présidents français n'ont jamais réussi à imposer.

Que propose la Commission très concrètement?

Pas l'abandon des critères de Maastricht, mais un assouplissement temporaire des règles budgétaires pour de permettre aux Européens d'investir beaucoup plus dans leurs industries de défense. Dans Le Figaro ce matin, Emmanuel Macron évoque un objectif de 3% à 3,5% du PIB, contre moins de 2 % aujourd'hui. Pour la France, ce serait un retour à ce qui se faisait au début des années 2000.

Pour permettre cette montée en puissance, la Commission compte activer ce qui s’appelle la “clause de sauvegarde”. Un mécanisme prévu dans le Pacte de stabilité budgétaire qui permet aux pays de la zone euro de déroger aux règles d’encadrement des déficits et dettes publics en raison de circonstances exceptionnelles.

L’Edito de Raphaël Legendre :  Défense, la fin des critères de Maastricht - 03/03
L’Edito de Raphaël Legendre : Défense, la fin des critères de Maastricht - 03/03
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Une clause de sauvegarde avait par exemple été activée durant le Covid. Les critères de Maastricht avaient été mis entre parenthèses pour assurer les dépenses de santé et de soutien économiques nécessaires, le temps de la crise.

Le problème, c'est que le "quoi qu’il en coûte" a eu du mal à s’arrêter ensuite, en France. Nos voisins européens s’en souviennent. Or, le rétablissement de la confiance sur le redressement de nos comptes publics est un préalable indispensable à la construction d'une ébauche de défense européenne commune.

Activer une nouvelle fois la clause de sauvegarde ne veut donc absolument pas dire qu’on va pouvoir relâcher la pression sur le budget... Bien au contraire! Il va plutôt falloir serrer la vis sur les autres dépenses pour permettre la montée en puissance des dépenses militaires.

Choix budgétaires

Petit rappel historique: juste avant la Seconde guerre mondiale, en 1938, les dépenses sociales représentaient 6% des dépenses publiques en France, les dépenses militaires 50%. En 2023, les ratios se sont inversés: 57% de notre dépense publique part dans le social, et 4% seulement dans l’armée. Et sur le social, les retraites pèsent pour moitié.

Ce ratio n’est plus tenable dans le nouveau monde tel qui se dessine. À Davos, le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, a fait cette confidence sur Donald Trump: "Il (le président américain) estime qu'au fond, les États-Unis obtiennent un mauvais accord et que l'Europe finance essentiellement son modèle social, son système de santé, etc., ainsi que son système de retraite en sous-finançant la défense".

Qui veut la paix prépare la guerre, et qui prépare la guerre... doit en France commencer par réformer ses retraites. Et pas en ramenant l'âge de départ à 62 ans.

Raphaël Legendre