ÉDITO. L’inquiétant décrochage de la recherche française

En 2010, la France occupait la 6e place des pays les plus prolixes en termes de recherche scientifique, derrière le Japon. Douze ans plus tard, l'Hexagone est tombé à la 13e place, derrière le Brésil. Si ce décrochage a commencé en réalité dès le début des années 2000, il a eu tendance à accélérer ces dernières années. Le déclassement de la recherche française va plus vite que celui de nos voisins européens.
Tel est le dramatique constat de la dernière étude de l'Observatoire des sciences et techniques, un département du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres).
Quelles sont les causes?
D’abord, la concurrence est beaucoup plus forte. Le nombre de publications scientifiques a quasiment doublé entre 2010 et 2022 (+81 %) avec l’arrivée de nouveaux pays comme la Chine et l’Inde, qui ont massivement investi dans leur recherche. La Chine a même raflé la place de numéro un mondial aux États-Unis en 2018, et ne l'a plus quittée depuis.
Ensuite, nous avons un problème de langue. C’est idiot, mais les revues scientifiques internationales sont rédigées en anglais. Or, il semble que les chercheurs français aient toujours des problèmes avec la langue de Shakespeare. Il y a du mieux, mais avec 5% de nos papiers non-anglophones, nous faisons partie des mauvais élèves.
Par ailleurs, la recherche française a un problème d’impact. Alors que nous faisons travailler beaucoup de chercheurs, notre impact sur la recherche internationale reste modéré.
"Le tassement des indicateurs d’impact scientifique de la France observé depuis le milieu de la décennie 2010 se confirme", indique l'étude.
Ancien joueur de Ligue 1, la France joue désormais dans le ventre mou de la recherche mondiale, loin derrière des pays comme la Suisse, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis qui ont des indicateurs 30 à 40% au-dessus de la moyenne mondiale.
Un système cher et de moins en moins efficace
La bonne nouvelle, c’est qu’on garde une élite en sciences dures très solide. Si l’on ne prend que les plus grandes revues, les plus citées, on se situe au 8e rang mondial. Nous sommes notamment numéro deux mondial en mathématiques, derrière les États-Unis, si on ne prend que les cinq revues les plus prestigieuses. Mais 7e pour l’indice d’impact.
La recherche française en biologie fondamentale et en physique reste aussi de bon niveau. Par contre, en sciences de la Terre et de l'univers, c’est moins bien, et en sciences humaines ce n’est pas bon.
En résumé, la France a de vrais défis à relever en termes de visibilité et d'impact des publications.
Des actions vont-elles être mises en place?
Mi-décembre, le directeur du CNRS, Antoine Petit a annoncé qu'il voulait créer des "KeyLabs", une sorte d’élite des centres de recherches qui disposeraient de moyens et d’un accompagnement renforcés.
La levée de bouclier de la communauté scientifique a été immédiate. Pas question de faire de différence entre les laboratoires de recherches. L’égalitarisme à la française… Le projet a été enterré. C’est dommage.
Le budget de l’enseignement et de la recherche a lui été sauvé in extremis. Près d’un demi-milliard d’euros de coupes budgétaires étaient prévues, notamment pour financer une hausse des retraites. Finalement, le budget de la recherche augmentera de 110 millions. Reste à voir si mettre davantage d'argent public suffit à améliorer les résultats.