EDITO. Déficit: l’inquiétante cécité de la classe politique

Si le déficit 2024 de l’Etat est un peu moins grave que prévu (-6,4 milliards par rapport à la loi de fin de gestion), il reste à un niveau absolument stratosphérique de 156,3 milliards d’euros. Calculé non pas en points de PIB comme le veut la coutume, mais en pourcentage comme n'importe quel déficit privé, le déficit de l'Etat atteint 35,7%.
Un niveau anormalement élevé, très inquiétant. Mais plus inquiétant encore est le discours parfaitement lunaire de la classe politique qui l'accompagne.
42 milliards d'euros de trou dans les recettes
C'est bien simple: tout le monde ment. A commencer par l’Elysée qui écrit dans le compte-rendu du Conseil des ministres ce mercredi que “les résultats de l’exécution du budget 2024 témoignent de la maîtrise des dépenses de l’État ainsi que d’un niveau de recettes supérieur à la dernière prévision.” Il y a de quoi tomber de sa chaise.
On a conservé depuis la crise de la Covid un niveau de dépenses de keynésien sous stéroïdes et les recettes ont accusé un trou de 42 milliards en 2024, après plus de 20 milliards en 2023, et on nous parle de “maîtrise des dépenses” et de recettes “supérieures à la prévision”. C’est une blague.
Et c'est malheureusement comme ça partout sur les bancs de la classe politique. La France insoumise dénonce une pseudo-austérité alors que les prestations sociales ont augmenté de 100 milliards en quatre ans.
Au PS, le Graal politique serait de revenir à 62 ans pour les retraites, première dépense du pays, alors que tous les pays européens repoussent l’âge de départ.
Le bloc central est évidemment comptable de ce bilan financier catastrophique que nous allons devoir payer pendant des années.
Et la droite n’est pas plus sérieuse avec un double discours coupable sur les finances publiques. D’un côté, elle prône le sérieux budgétaire, de l’autre, elle refuse à l’Assemblée de voter une réforme des retraites que leurs sénateurs portaient pourtant depuis des années, elle refuse le gel des retraites, vante des chèques énergies, des blocages de prix à la pompe qui coutent des fortune... Et l'extrême droite n'est pas plus cohérente en termes de finances publiques.
Insouciance généralisée
Et tout cela va perdurer car, pour l’instant, aucune corde de rappel ne fonctionne. Ni l’Europe car nos voisins européens ont validé cette semaine à l’unanimité la nouvelle trajectoire dégradée de la France.
Ni les marchés. En effet, il y a deux jours, les marchés ont proposé 130 milliards d’euros pour la dernière adjudication du Trésor, qui n’en demandait que 10 milliards. Ni l’opinion publique qui n'y comprend rien et qui, globalement, s'en moque.
Preuve que la dérive va continuer: le déficit de la Sécurité sociale devait être ramené de 18 à 16 milliards en 2025, on apprend ce matin dans Les Echos qu'il sera probablement de 25 milliards en réalité. La gabegie continue. Tout le monde s'en moque, mais tout cela finira par se payer très cher un jour.