BFM Business
Union européenne

TOUT COMPRENDRE - Brexit: ce que change le nouvel accord sur le protocole nord-irlandais

placeholder video
Londres et Bruxelles sont parvenus à s'entendre lundi sur un nouvel accord assouplissant les dispositions du protocole nord-irlandais, source de tensions entre les deux camps depuis plusieurs mois.

Cette fois, c'est la bonne? Après des mois de tensions, l'Union européenne et le gouvernement britannique sont arrivés lundi à un compromis concernant les dispositions post-Brexit en Irlande du Nord, espérant ouvrir "un nouveau chapitre" de leurs relations.

Alors que Londres et Bruxelles semblaient encore récemment au bord de la guerre commerciale à cause de cette crise portant sur le protocole nord-irlandais, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont présenté l'accord baptisé "cadre de Windsor" lors d'une conférence de presse commune à Londres. "Je pense que ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord est historique", a souligné la dirigeante européenne.

"Le plus important", a-t-elle insisté, "c'est que (l'accord) protège la paix durement obtenue grâce à l'accord du Vendredi Saint" de 1998 qui a mis fin au conflit entre unionistes surtout protestants et républicains en majorité catholiques et dont le 25e anniversaire sera célébré en avril.

• Qu'est-ce que le protocole nord-irlandais?

Il s'agit d'un texte négocié entre Londres et Bruxelles dans le cadre du Brexit pour éviter de fragiliser la paix conclue en 1998 dans l'île, en recréant une frontière terrestre entre l'Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, et la République d'Irlande, membre de l'Union européenne.

Plutôt que d'effectuer les formalités au niveau de la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l'UE au risque de raviver les tensions, il prévoit que les contrôles sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, de l'autre côté de la mer d'Irlande, s'effectuent à leur arrivée en Irlande du Nord.

Le texte maintient de fait l'Irlande du Nord dans le marché commun et l'union douanière de l'UE. Il n'a toutefois jamais été mis complètement en oeuvre en raison de périodes de grâce prolongées sur certains contrôles comme la viande non surgelée ou les médicaments.

• Quelles étaient les difficultés?

Le protocole nord-irlandais est tenu pour responsable de difficultés d'approvisionnement en Irlande du Nord et est présenté côté britannique comme une menace pour l'accord de paix dit du Vendredi saint, dont le 25e anniversaire doit être célébré en avril prochain, en raison des tensions qu'il a réveillé dans la province, les unionistes redoutant notamment de voir l'Irlande du Nord, maintenue de facto dans le giron européen, s'éloigner du Royaume-Uni.

Il a conduit à une paralysie des institutions en Irlande du Nord, les unionistes du parti unioniste démocrate (DUP) hostiles à cet accord refusant de rejoindre l'exécutif local avec les républicains du Sinn Fein - grand gagnant des élections locales de mai dernier- tant que les contrôles ne sont pas abandonnés.

• Quels changements apporte le "cadre de Windsor"?

L'accord conclu lundi doit permettre "des échanges commerciaux fluides au sein du Royaume-Uni", selon le Premier ministre Rishi Sunak. "La pesante bureaucratie douanière sera supprimée", a-t-il insisté. Concrètement, les produits arrivant de Grande-Bretagne vers l'Irlande du Nord pour y rester ne seront plus soumis aux mêmes contrôles que ceux voués à être ensuite exportés vers la République d'Irlande, c'est-à-dire vers l'Union Européenne.

Cela vaudra pour les échanges commerciaux, comme pour l'envoi de colis par des particuliers. Certains changements de taux de TVA ou autres droits décidés par Londres pour le Royaume-Uni, par exemple sur l'alcool, s'appliqueront à l'Irlande du Nord, tandis que les contraintes pour envoyer et vendre dans la province des animaux ou certains végétaux seront supprimées. Les autorités britanniques, et non plus l'Agence européenne du médicament, délivreront les autorisations de mise sur le marché des médicaments.

• Quelles garanties en matière de souveraineté?

Le maintien de certaines lois européennes et de la compétence de la Cour de justice européenne en Irlande du Nord était l'un des points de blocage principaux du protocole pour les unionistes. Le "cadre de Windsor" prévoit la création d'un "frein" à disposition du Parlement nord-irlandais. Si 30 députés de plusieurs partis s'opposent à l'application dans la province d'une nouvelle loi européenne sur les biens et marchandises, ils pourront convoquer un vote pour la bloquer, sur le modèle d'une disposition existant déjà dans l'accord de paix de 1998.

Ce "mécanisme d'urgence" n'enlèvera toutefois par à la Cour de justice européenne "le dernier mot" en ce qui concerne les règles régissant le marché unique toujours en vigueur dans la province, a insisté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Au final "moins de 3%" des lois européennes continueront de s'appliquer en Irlande du Nord, fait valoir Londres.

• Quelles suites politiques?

Le "cadre de Windsor" devra être validé par l'ensemble des Etats membres de l'UE. La République d'Irlande y étant favorable, les 26 autres devraient donner leur accord.

De son côté, Rishi Sunak pourrait devenir avec cet accord celui qui a adapté le Brexit aux réalités, mais les jours à venir s'annoncent délicats. Après avoir entretenu le flou, il a confirmé que l'accord serait soumis à un vote des députés, sans préciser quand. Si l'opposition travailliste a déjà promis son soutien, une fronde importante au sein des conservateurs porterait un coup à son autorité. Ces derniers mois, les évictions de Boris Johnson puis de Liz Truss du pouvoir ont montré la difficulté à gouverner d'un Premier ministre sans contrôle de la majorité.

Au sein de l'aile droite, plusieurs voix ont déjà jugé les concessions de Bruxelles insuffisantes. Boris Johnson a exprimé son mécontentement, ce qui lui a aussitôt valu d'être accusé de comploter pour revenir au pouvoir. Mais l'ampleur de la rébellion est incertaine et la possible vague de départs de ministres opposés à l'accord un temps évoquée dans la presse semble évitée. Et le Parti conservateur, déjà au plus bas dans les sondages, peut difficilement prendre le risque de changer pour la troisième fois en six mois de leader, alors que les prochaines législatives sont prévues pour l'année prochaine.

P.L. avec AFP