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L'inflation plus faible que prévu en Europe: jusqu'où la BCE va-t-elle encore baisser ses taux?

La BCE.

La BCE. - Daniel Roland - AFP

Avec une inflation plus faible qu'attendu en mai en zone euro, la BCE devrait sauf surprise baisser à nouveau ses taux jeudi.

Une accalmie sur les prix plus marquée que prévu. Attendue stable, l'inflation a finalement nettement ralenti en mai dans la zone euro, à 1,9% sur un an (-0,3 point par rapport à avril). Ce chiffre qui marque un retour sous l'objectif de 2% de la Banque centrale européenne (BCE) ouvre la voie à une huitième baisse des taux de l'institution qui rendra sa décision jeudi.

"C'est quasi-certain", confirme à BFM Business Éric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, estimant que cette bonne nouvelle sur le front de l'inflation accrédite la prédiction des analystes qui tablent sur une nouvelle baisse de taux d'un quart de point. Ce qui ramènerait le taux de dépôt de la BCE - qui fait référence pour conduire la politique monétaire à court terme - à 2%.

Crainte d'un ralentissement économique

Un scénario d'autant plus probable que l'inflation sous-jacente - corrigée des prix volatils de l'énergie et de l'alimentation - qui fait référence pour les experts - a elle aussi nettement ralenti à 2,3% sur un an, après 2,7% en avril. Cette embellie provient des services où la hausse des prix à la consommation s'est fortement calmée, à 3,2% sur un an en mai, contre 4% le mois précédent. Ce qui laisse penser que la croissance des salaires négociés dans ce secteur a tendance à ralentir.

"Cela peut convaincre la BCE que les forces désinflationnistes se renforcent et que cette modération des hausses salariales va permettre" une nouvelle "diminution de la croissance annuelle des prix hors énergie, surtout des services", juge Éric Dor.

L'économiste émet tout de même une réserve concernant la pertinence de la baisse de taux: la forte hétérogénéité de l'inflation entre pays de la zone euro. À titre d'exemple, elle s'élève à 0,6% en France en mai, mais à 2,8% en Belgique, à 3,3% en Grèce, à 4,3% en Croatie ou encore 4,6% en Estonie. Pas de quoi remettre en cause pour autant l'assouplissement attendu jeudi, les inquiétudes liées à la morosité économique dans la zone euro ayant progressivement pris le pas sur les craintes liées à la hausse des prix.

Ce qui prédomine désormais, "c'est la crainte d'un gros affaiblissement de la demande" et donc de la croissance en raison de la guerre commerciale lancée par Donald Trump, rappelle Éric Dor. Le ralentissement est déjà là selon la Commission européenne qui table désormais sur une croissance de la zone euro de seulement 0,9% cette année, alors qu'elle prévoyait 1,3% il y a six mois. De quoi convaincre la BCE de baisser ses taux pour stimuler l'activité.

L'éco du monde : BCE, jusqu'où la baisse des taux ? – 24/04
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Et après?

La baisse des taux anticipée jeudi sera-t-elle la dernière avant une pause? Le gestionnaire d'actifs financiers Ostrum Asset magagement s'attend à une nouvelle baisse en juillet "pour ramener le taux de dépôt à 1,75%". Interrogé par l'AFP, Jack Allen-Reynolds de Capital Economics Économiste, estime lui aussi que "les données d'inflation de mai renforcent la probabilité d'une nouvelle baisse" lors de la prochaine réunion de la BCE le mois prochain.

Il faut dire que les droits de douane du président américain Donald Trump imposés aux importations en provenance du monde entier, y compris d'Europe, ont paradoxalement facilité la bataille de la Banque centrale contre l'inflation. Ils "ont jusqu'à présent exercé un effet baissier sur l'inflation dans la zone euro. Les prix mondiaux des matières premières ont diminué, l'euro s'est renforcé par rapport au dollar, l'incertitude a freiné l'activité économique", souligne auprès de l'AFP Bert Colijn, économiste pour la banque ING.

Et la désinflation devrait se poursuivre, prévoit par ailleurs Riccardo Marcelli Fabiani pour Oxford Economics. "Des prix du pétrole modérés et un euro plus fort (...) entraîneront une baisse des coûts de production et des importations. Le ralentissement de la croissance des salaires devrait contribuer à modérer l'inflation tenace des services", selon lui, et donc encourager une nouvelle baisse des taux.

D'autres experts se sont montrés moins catégoriques en estimant que la baisse de juin pourrait être la dernière de la série en cours afin de laisser le temps à la BCE de prendre le temps de voir comment l'économie évolue dans un contexte de tensions commerciales. Car si la tendance est à la désinflation à court terme, ce pourrait être l'inverse à long terme. Par exemple en cas de mesures de rétorsion prises par l'Europe face aux droits de douane de Donald Trump. Plus largement, un processus de démondialisation et de réalignement des chaînes de valeur des entreprises pourraient également entraîner des hausses de prix.

"On va guetter les propos de Christine Lagarde" jeudi, explique Éric Dor, tout en reconnaissant qu'il ne fallait pas se faire trop d'illusion sur son discours qui ne devrait pas permettre d'en savoir beaucoup plus sur l'action de la BCE dans les prochains mois.

"Il y a trop d'incertitudes avec les va-et-vient de Donald Trump", conclut l'économiste.
https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco