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Union européenne

Coût du travail: l'écart entre l'Est et l'Ouest de l'Union européenne a été divisé par 2 en 15 ans

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- - Philippe Huguen - AFP

Les pays européens où le coût du travail est le plus bas, principalement les pays de l'Est, ont amorcé un rattrapage notable avec les pays les plus développés du continent depuis les années 2000. Mais cette dynamique s'essouffle.

Le fossé reste béant entre les pays de l'Union européenne (UE) en matière de coût du travail, mais il a tendance à se rétrécir. Un employeur danois doit débourser en moyenne 44,70 euros (hors charges patronales) pour une heure de travail d'un salarié, alors qu'un employeur bulgare s'acquitte de 5,30 euros, soit près de 8,5 fois moins, selon les chiffres de 2018 publiés mercredi par l'institut de statistiques allemand Destatis. Avec un coût horaire de 36,50 euros, la France se situe au cinquième rang, juste devant l'Allemagne. La moyenne des 28 pays de l'Union européenne est de 26,60 euros. 

Le clivage est saillant entre d'un côté les pays de l'Europe de l'Ouest et scandinaves, et de l'autre les pays de l'Est. À l'exception de l'Espagne et surtout du Portugal, ce dernier est nettement sous la moyenne du continent avec un coût de main-d'œuvre horaire de 13,30 euros. Il faut dire que dans ces deux pays, la modération des salaires a été particulièrement stricte après la crise financière de 2008 et, deux ans plus tard, celle de la zone euro.

Le fossé se creuse à nouveau depuis 2 ans

Parmi les six pays où le coût est le plus élevé (plus de 35 euros de l'heure travaillée) on retrouve le Danemark, le Luxembourg, la Belgique, la Suède, la France et l'Allemagne. À l'inverse, ceux dont le coût horaire est le plus bas, soit moins de 10 euros, sont la Hongrie, la Pologne, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et la Bulgarie.

Le coût de la main-d'œuvre dans les premiers pays cités est plus de quatre fois supérieur à celui des seconds. "Toutefois, cet écart a diminué de moitié depuis 2004", note Destatis, puisqu'il était de un à huit voici quinze ans. Autrement dit, les coûts salariaux augmentent plus fortement dans les pays de l'Est ces dernières années. 

"Cela ressort clairement de la comparaison entre l'Allemagne et la Bulgarie: alors que les coûts salariaux par heure travaillée ont augmenté de 30% en Allemagne de 2004 à 2018, ils ont plus que triplé en Bulgarie (+ 231%)", souligne Destatis.

Le coût du travail dépend beaucoup du salaire brut pratiqué. Il varie ainsi selon le secteur d'activité, la taille de l'entreprise et la composition de la main-d'œuvre du pays (ouvrier, professions intermédiaires...). Autrement dit plus la proportion de cadres parmi les salariés est importante, plus le coût du travail est élevé.

Le dynamisme de la croissance du coût de la main-d'œuvre dans les pays de l'Est semble indiquer un rattrapage avec ceux de l'Ouest. La route est encore longue, mais la convergence des coûts du travail de ces pays avec la moyenne de l'Union européenne a fait un pas notable en quinze ans. En 2004, la moyenne des six pays dont le coût horaire était le plus faible représentait un peu plus de 18% de la moyenne européenne, depuis elle a grimpé à 32%.

Le rattrapage a "calé"

Mais il ne faut pas crier victoire trop vite. Certes, ces économies sont plutôt en bonne santé, avec des taux de croissance solides et un chômage très bas. Mais cette situation cache des difficultés à venir. Entre l'émigration et la baisse de la natalité, les employeurs peinent fortement à trouver des salariés. Ce qui explique aussi pourquoi les salaires augmentent plus rapidement qu'à l'Ouest et au Nord. Mais parallèlement la productivité ralentit. 

Dans une note publiée en novembre, la Banque centrale européenne (BCE) a observé que la convergence des économies de l'Est avec la moyenne de l'UE est notable depuis les années 2000, mais pour la plupart des pays elle a "pratiquement calé depuis la crise financière de 2008", avait commenté en novembre Benoît Cœuré, membre du directoire de l'institut monétaire. En effet, de 1 à 8 en 2004, le rapport entre le coût du travail à l'Est et au Nord Ouest de l'Europe n'était plus que de 1 à 5 en 2008, selon les données de Destatis. Soit une baisse significative en seulement quatre ans. Mais dix ans après la crise, ce rapport n'est aujourd'hui que de 1 à 4. Le rythme de rattrapage est donc bien plus lent.

"Clairement le rythme de convergence est décevant", avait poursuivi Benoît Cœuré dans son intervention. "Cela implique que les niveaux de vie en Europe vont rester fortement différents et inégaux sur une période considérable, même à l'intérieur de l'Union européenne. S'il n'y a pas de perspective permettant aux pays à revenus plus faibles de rattraper prochainement leur retard, il y a un risque que les gens qui vivent dans ces pays commencent à s'interroger sur les avantages qu'il y a à être membre de l'UE ou de l'union monétaire."
Jean-Christophe Catalon