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Union européenne

Brexit: Pourra-t-on encore acheter sur les sites de Harrods, Asos, Next, ou Ted Baker?

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En cas de Brexit sans accord, les consommateurs français pourront toujours faire leurs achats sur les sites de e-commerce britanniques. Mais les délais et frais de livraison risquent d'être plus élevés.

L’incertitude n’a jamais été aussi grande. À un peu plus d’un mois du Brexit, toujours aucun accord de sortie n’a été conclu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Outre-Manche, la situation inquiète la sphère économique et notamment les entreprises dont l’activité s’étend au-delà des frontières. 

Le marché britannique du e-commerce est particulièrement concerné par les potentielles difficultés à venir. Leader européen avec un chiffre d’affaires en hausse de 12% à 149 milliards de livres en 2017 (169 milliards d’euros), le secteur pourrait être l’une des victimes collatérales d’un "hard Brexit".

Mais que les consommateurs français se rassurent, il sera toujours possible de faire ses achats sur les sites de commerce en ligne anglais, même en cas de sortie brutale du Royaume. Malgré tout, les amateurs de Burberry, Boden ou Harrod's pourraient y trouver un intérêt limité. Explications.

Retards de livraison et hausse des prix 

Jusqu’à présent, l’annonce du Brexit n’avait pas eu d’effet néfaste significatif pour les consommateurs français. La chute de la livre sterling leur a même été profitable pour l’achat de produits "Made in UK".

La situation risque toutefois de se complexifier en cas de sortie de l’UE sans accord le 29 mars prochain. Car un "Brexit dur" impliquerait une perturbation des échanges avec le rétablissement des contrôles de conformité des produits destinés au continent. "Les colis pourront prendre du retard", confirme-t-on du côté de la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance), même s’"il y a encore des données à attendre".

Outre les retards de livraison, les consommateurs français risquent de voir les prix fortement augmenter en achetant sur les plateformes de e-commerce britanniques. Avec le rétablissement des règles de l’OMC dont dépendra le Royaume-Uni, ils devront payer des taxes sur le chiffre d’affaires à l’importation et des frais de douanes qui peuvent être particulièrement élevés selon les produits. L’OMC estime que le coût des droits de douane supplémentaires sera de 5,6 milliards de livres par an (7,2 milliards d’euros). Une situation qui devrait rendre le marché britannique beaucoup moins attractif.

"Un consommateur français qui achète un produit dans une boutique en ligne anglaise pour un montant supérieur à 22 euros, devra payer en plus une taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation de 19 %. Si le consommateur commande un produit dont le prix est supérieur à 150 euros, il devra non seulement payer la taxe décrite précédemment mais y ajouter les frais de douane", note Trusted Shop, entreprise spécialisée dans la sécurisation des achats en ligne.

Anticipations

Face aux risques précédemment évoqués, de nombreuses entreprises britanniques installées sur le marché du e-commerce anticipent un Brexit sans accord. Le géant de la mode en ligne Asos a dit être "bien préparé" à tous les scénarios possibles. L’entreprise a investi massivement dans son site de distribution à Berlin pour constituer des stocks afin de faciliter les livraisons sur le continent. La chaîne de magasins de vêtements Next a pris la même décision.

De son côté, la marque de luxe britannique Burberry qui fabrique certains de ses produits dans le nord de l’Angleterre et se fournit également en Europe a assuré que "des stocks supplémentaires" seront alloués "dans les zones concernées afin de ne pas pénaliser (les) clients". Mais un Brexit sans accord aura "clairement un impact sur la société, car nous devrons gérer des stocks plus importants", a ajouté la directrice financière de l’entreprise, Julie Brown, qui s’attend à une augmentation des coûts de douane de "plusieurs dizaines de millions de livres".

Un "Brexit sans compromis serait horrible"

Harrods semble vouloir adopter la même politique pour satisfaire ses clients européens. Bien que son directeur général, Michael Ward, avait déjà évoqué des pertes annuelles de "8 millions de livres supplémentaires en raison des formalités administratives", il avait certifié que la "société avait pris ses dispositions pour avoir plus de stocks de produits de beauté et de vêtements disponibles, dans l’éventualité de retards dus au Brexit".

Sans fournir de détails, la PDG de Ted Baker, Lindsay Page, avait confié pour sa part que son entreprise avait "beaucoup" de plans d’urgence pour le Brexit. Le fondateur de la marque Boden, Johnnie Boden, qui a ouvert des e-shops en France et en Allemagne s’était montré moins rassurant, reconnaissant qu’un "Brexit sans compromis serait horrible".

"Il y aura des retards importants dans l’envoi des marchandises en Allemagne, et si le service vers l’Allemagne est retardé de deux ou trois jours, ils (les consommateurs) n’achèteront tout simplement rien. Ils achèteront aux entreprises allemandes", s'était-il inquiété.

Amazon appelle à constituer des stocks

Les sociétés britanniques ne sont pas les seules à prendre leurs précautions. Le Français Made.com, spécialiste de la vente de meubles en ligne et dont le siège social est à Londres, a d’ores et déjà annoncé qu’il gérerait deux chaînes d’approvisionnement distinctes, l’une au Royaume-Uni, l’autre sur le continent européen avec notamment l’ouverture d’un centre logistique à Lille.

Enfin, le leader mondial Amazon, qui utilisait l’Angleterre comme porte d’entrée sur l’Europe, a lui aussi pris ses dispositions pour faire face à un éventuel rétablissement des barrières tarifaires. En janvier dernier, il a conseillé aux commerçants expédiant des produits entre le Royaume-Uni et l’UE via sa plateforme de constituer des stocks dans ses entrepôts continentaux, expliquant qu’un divorce brutal en Londres et Bruxelles "pourrait entraver temporairement le commerce transfrontalier".

Contacté, le Centre européen des Consommateurs confirme que ""les professionnels britanniques pourront continuer à vendre à l’international comme sur le marché européen, au même titre que les professionnels américains ou asiatiques". Il explique que les entreprises qui dirigeraient "expressément leurs activités vers un pays de l'UE (exemple: site en français, en .fr, acceptant les moyens de paiement français...), seront soumises aux règles de consommation spécifiques de ce pays (qui elles-mêmes sont issues de l’UE)".

Si les grandes entreprises à l'image d'Amazon peuvent anticiper un Brexit dur, il en va tout autrement des petites structures de e-commerce dépendantes du marché continental. Par manque de moyens, ces dernières ont moins de marges de manœuvre et ne peuvent stocker des produits sur le continent. Reste pour elles à espérer un report du Brexit, l’UE ayant laissé la porte ouverte à un délai supplémentaire.

annonce des principaux sites et marques de e-commerce britanniques sur le brexit:

- Asos: l'entreprise a investi à Berlin pour éviter les problèmes de distribution et se dit "bien préparée". - Next: le groupe a également investi en Allemagne pour stocker ses produits. - Burberry: la marque a assuré que des "stocks supplémentaires" seront alloués en Europe et au Royaume-Uni. - Harrods a aussi prévu des stocks supplémentaires disponibles. - Ted Baker affirme avoir "beaucoup" de plans d'urgence pour le Brexit. - Boden craint des "retards importants" de livraison, pas de plan annoncé.

Paul Louis