L'explosion des arrêts maladie affecte-t-elle plus la fonction publique que les entreprises privées?

Pour réduire l’absentéisme dans la fonction publique et faire des économies, le gouvernement veut imposer trois jours de carence aux fonctionnaires que leur médecin a mis en arrêt maladie tout en réduisant le montant de leur indemnité. L’argument invoqué étant que le nombre moyen de jours pris dans l’année s’est envolé depuis quelques années. Et que les fonctionnaires sont désormais plus souvent absents que les salariés. Argument valable ou non?
Selon les chiffres de l’Insee figurant dans le rapport de l’inspection générale des finances, en 2022, le nombre moyen de jours d’absence hors congés était effectivement plus élevé dans la fonction publique que dans le privé: 19,2 contre 16,1, soit trois jours de plus.
En 2019, les enseignants n'étaient arrêtés que 5,5 jours par an, en 2022, ils ont rattrapé les salariés du privé
Quid maintenant de l’explosion du nombre de jours d’arrêts pour raison de santé? L’inspection générale des finances souligne qu’il y a clairement un avant et un après Covid. Et que, par rapport à 2019, le nombre des jours d’absence pour raison de santé a d’une façon générale fortement progressé.
Dans le privé, on est passé de 8,4 à 11,7 jours, soit une augmentation de 39%. Dans la fonction publique, l’ampleur de cette envolée est loin d’être uniforme. Chez les enseignants, le nombre de jours d’arrêts pour raison de santé était en 2022 identique à celui des salariés du privé (11,7) alors qu’en 2019, l’Education nationale gérait plus facilement les absences, avec une moyenne de 5,5 jours.
Dans les hôpitaux publics, la moyenne est passée en trois ans de 10,4 à 18,1 jours
Les données de l’Insee montrent également une très forte augmentation du nombre de jours d’absence pour raison de santé dans les hôpitaux publics (+74% avec 18,1 jours en moyenne) et dans les collectivités territoriales (+53%, 17,1 jours), ce qui représente 6 à 7 jours de plus d’arrêts par rapport à 2019. Pour la fonction publique hospitalière, cela peut se comprendre, mais pour les fonctionnaires territoriaux, cela pose davantage question.
Pour justifier ce tour de vis, le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, souligne aussi que les fonctionnaires sont moins pénalisés financièrement que les salariés du privé, dans la mesure où ils ne pâtissent que d’un jour de carence (journée qui est déduite de leur rémunération) contre trois jours dans le privé.
Un seul jour de carence dans le public contre trois dans le privé, oui mais...
Cette comparaison est néanmoins à relativiser. En effet, dans le privé, les trois jours de carence ne concernent en réalité qu’une minorité de salariés. D’abord parce que certaines conventions collectives dérogent à ce principe, imposant aux employeurs de compenser financièrement ces jours non indemnisés par l’assurance maladie. Ensuite parce que de nombreux employeurs souscrivent auprès d’assureurs des contrats de prévoyance incluant le maintien à 100% du salaire dès le premier jour d'absence du salarié.
Ce qui est vrai, c’est que le patronat lui-même estime qu’il faudrait en finir avec ces dérogations à la règle générale. Le Medef et la CPME plaident depuis des mois pour la mise en place de jours de carence d’ordre public. Un, deux voire trois jours, que les conventions collectives seraient contraintes de respecter et que les contrats de prévoyance ne pourraient plus prendre en charge, ce qui évidemment réduiraient leur coût de cette assurance pour les employeurs. Cette approche inédite, un certain nombre de députés soutien du gouvernement se disent prêts à la mettre sur la table et à légiférer en ce sens.
