Carburants: la CGT engage le bras de fer avec le gouvernement

La CGT s’apprête à organiser une journée de grève interprofessionnelle mardi 18 octobre, en dépit du mécontentement d'une partie de l'opinion. L’organisation syndicale parie sur une extension du mouvement en faveur des hausses de salaires.
"Le fait de réquisitionner, ça a mis le feu aux poudres", a accusé le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez sur BFMTV jeudi matin, affirmant avoir dit à la Première ministre Elisabeth Borne que le gouvernement faisait une "connerie".
Mercredi soir, depuis Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) où il était venu soutenir les salariés grévistes d'ExxonMobil, il a appelé "les salariés (...) à se mettre en grève et à amplifier les mobilisations dans les prochains jours".
Vers une journée de grève interprofessionnelle?
Selon Céline Verzeletti, secrétaire confédérale du syndicat, une journée de grève nationale interprofessionnelle devrait être annoncée par la confédération à la mi-journée, "très vraisemblablement" pour mardi, à l'issue d'une réunion avec les unions départementales CGT.
Anticipant cette annonce, la FNME-CGT (énergie) a fait savoir jeudi matin qu'elle "impulsera(it) et coordonnera(it) la grève nationale interprofessionnelle à l'appel de la CGT, le mardi 18 octobre".
Interrogé mercredi soir sur France 2, le président de la République a redit que l'Etat n'hésiterait pas à utiliser l'arme des réquisitions pour permettre la distribution de carburants.
L'énergie mais aussi la fonction publique, l'agroalimentaire, les cheminots pourraient joindre leurs forces à celles des raffineurs.
Signe des convergences à venir? Mercredi soir, un rassemblement a réuni sur le parvis de l'Hôtel de Ville des militants CGT, FO, Solidaires et de nombreux responsables politiques de gauche dont Jean-Luc Mélenchon.
Solidaires devrait décidé jeudi après-midi d'appeler à la "grève mardi prochain pour des hausses de salaire", selon son co-délégué général Simon Duteil.
"La réquisition c'est l'escalade"
Il y a en revanche peu de chances que la CFDT ou la CFTC rejoignent le mouvement, l'une et l'autre s'étant désolidarisée ce week-end des grèves chez TotalEnergies, qualifiées de "préventives".
"L'appel à la grève, ça change quoi à la fin? Ça ne change rien", a déclaré jeudi sur France Inter le numéro un de la CFDT Laurent Berger, appelant une nouvelle fois les parties à négocier. "La réquisition c'est l'escalade", a-t-il regretté.
Des responsables syndicaux "réformistes" mettent en exergue sous couvert d'anonymat les enjeux internes qui sous-tendent le conflit, la Fédération de la chimie, opposée à la ligne de Philippe Martinez, ayant à coeur selon eux de marquer des points auprès des militants à quelques mois du Congrès de la CGT, programmé en 2023.
"Ce mouvement a été piloté par les travailleurs. Je rêverais qu'il y ait un bouton où on appuie pour déclencher les grèves", balaye Amar Lagha, de la CGT Commerces.
"On va accélérer notre processus de mobilisation", dit la dirigeante syndicale. De nombreux militants syndicaux seront comme elle présents à la manifestation "contre la vie chère" organisée par la Nupes dimanche, avant peut-être l'organisation d'une journée commune des partis de gauche et des syndicats, plus tard.
La CGT ne craint-elle pas avec ces grèves et manifestations de se mettre à dos les Français, pour beaucoup excédés des difficultés à faire le plein?
Le risque de se mettre l'opinion à dos
"Bien sûr que quand on fait une heure de queue à la station-service on est énervé. Mais la question du partage des richesses est dans la tête de tout le monde", répond Céline Verzeletti.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV, une courte majorité de Français approuvent la mobilisation des salariés de TotalEnergies et ExxonMobil (42% approuvent, 40% désapprouvent, 18% y sont indifférents).
Pour le politologue Dominique Andolfatto, la CGT "sait qu'elle clive". Mais elle "fait sans doute le calcul que c'est plutôt positif pour elle", notamment "vis-à-vis de sa base et des soutiens".