À Strasbourg, l'expérience du congé gynécologique attaquée en justice par la préfecture

Qu'elles souffrent d'endométriose, de symptômes liés à la ménopause ou de règles douloureuses, les agentes de l'Eurométropole de Strasbourg peuvent "souffler" en recourant à un congé de santé gynécologique, une expérimentation attaquée en justice par la préfecture, qui en conteste la légalité.
"Une aide précieuse"
Plusieurs collectivités françaises ont mis en place depuis 2023 des congés menstruels. A Strasbourg, le dispositif, instauré en septembre dernier, englobe également les troubles liés à la ménopause.
Sabine Kuntzmann, 54 ans, qui travaille au service de collecte et de valorisation des déchets est l'une des premières à s'en être saisie.
"J'ai des bouffées de chaleur H24, des insomnies, de l'essoufflement, de la fatigue... L'été est particulièrement difficile", décrit-elle.
Jusqu'au lancement de cette expérimentation, la quinquagénaire posait régulièrement des jours de congé ou télétravaillait. Elle envisageait de passer à temps partiel.
Ce dispositif, c'est "une aide précieuse", salue-t-elle, "ça permet de tenir sans me mettre en arrêt ou réduire mon temps de travail".
Les agentes de l'Eurométropole peuvent bénéficier de 13 jours annuels de "congé de santé gynécologique", avec un plafond de trois jours consécutifs, sur présentation d'un certificat médical délivré par un gynécologue ou une sage-femme, valable deux ans.
"Quelques remarques de certains collègues masculins"
Poser une journée est le dernier levier de ce dispositif qui propose un assouplissement du télétravail ou une adaptation des horaires.
Ambrine Merabti, 24 ans, rattachée à la direction des espaces publics, souffre, elle, de règles hémorragiques. "Je perds l'ensemble de mes règles en une journée, et durant cette journée, je suis vidée de toute énergie", témoigne-t-elle.
Quand l'Eurométropole a fait connaître l'existence d'un congé gynécologique, la jeune femme a entendu "quelques remarques de certains collègues masculins".
"Du coup, j'étais un petit peu réticente à utiliser le dispositif, parce que je me suis dit que j'allais peut-être passer pour une menteuse, ou quelqu'un qui exagère", raconte-t-elle.
"Finalement, j'ai réuni tout le monde en leur expliquant ce que c'était, et ils ont compris que même si leur femme n'avait peut-être rien ou ne leur disait peut-être pas, ce n'était pas le cas pour toutes les femmes, et ça a été super bien pris".
Si Ambrine n'a finalement pris que deux jours, optant la plupart du temps pour du télétravail, elle se dit soulagée que cela existe. "C'est une liberté d'esprit de me dire que j'ai cette option".
Sur environ 3.500 agentes, une soixantaine s'en étaient emparé à fin décembre.
Le sujet reste délicat à aborder, témoigne Coralie, 37 ans, qui ne souhaite pas donner son nom de famille et confie avoir "des réticences à parler" à ses collègues de son endométriose, une maladie inflammatoire qui peut se manifester par des règles abondantes et des douleurs violentes.
Des expérimentations attaquées en justice
Coralie n'a pas encore utilisé de jours de congé gynécologique "mais le fait de l'avoir, ça m'a un peu soulagée. Si on n'est pas bien, on sait qu'on peut souffler."
Si des congés menstruels ont été instaurés dans plusieurs collectivités, certaines expérimentations ont été attaquées en justice.
A Toulouse, en novembre, un juge des référés a suspendu des délibérations prises notamment par la commune de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) pour donner des jours ou aménager le temps de travail d'agentes souffrant lors de leurs règles.
A Strasbourg, la préfecture du Bas-Rhin a saisi le tribunal administratif et une audience doit avoir lieu. Une décision qui pourrait faire jurisprudence dans ce débat récemment arrivé au sein des collectivités locales.
Syamak Agha Babaei, premier adjoint à la maire (EELV) de Strasbourg déplore cette remise en cause de l'expérimentation.
"Il s'agit d'expérimenter pour en tirer des conclusions", déclare-t-il à l'AFP, estimant qu'il serait regrettable de mettre fin à cette "avancée en termes d'égalité".
De son côté, le préfet du Bas-Rhin, Jacques Witkowski, estime qu'une telle disposition "n'est pas prévue par le code des collectivités locales".
"Il est déjà possible d'obtenir un arrêt de travail pour raisons gynécologiques auprès de son médecin", a fait valoir le préfet en octobre.
"Le rendez-vous chez le médecin, on ne peut pas forcément l'avoir dans la journée", fait remarquer Sabine Kuntzmann, qui souligne qu'un arrêt maladie entraîne par ailleurs un jour de carence.
Selon elle, ce dispositif oeuvre "pour le bien-être des agentes". "C'est du gagnant-gagnant. Si on se sent bien, on a envie de rester".