Retraites: une réforme pour satisfaire l’Union Européenne?

C’est une question qui revient comme une discrète rengaine dans le débat sur la réforme des retraites: le gouvernement pousse-t-il le texte, au moins en partie, pour satisfaire Bruxelles? Si l’Union Européenne s’en défend et n’a jamais officiellement obligé la France à réformer son système, elle lui en a fait la recommandation.
2017. Emmanuel Macron n’avait pas caché son désir de remanier le système des retraites dès sa première campagne présidentielle. Le projet -qui a évolué depuis- était donc de longue date dans ses tiroirs avant que le président n'en fasse un chantier prioritaire lors de sa réélection l’année dernière.
2019. Le Conseil de l’Union Européenne -un des principaux organes de décision du bloc qui rassemble les ministres des Etats membres- a publié des recommandations parmi lesquelles il préconise que l’Hexagone s’attache, en 2019 et 2020, “à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite, en vue de renforcer l'équité et la soutenabilité de ces régimes.”
La réforme, dont l’UE pensait la mise en œuvre proche à l'époque mais dont l’agenda a été bousculé par la pandémie mondiale, pourrait “aider à alléger la dette publique à moyen terme et réduire ainsi les risques pesant sur sa soutenabilité,” disait l’UE.
Uniformisation des régimes donc et aide au retour à l’équilibre budgétaire. Pour certains, Bruxelles dicte son agenda à la France. C'est l'avis de membres du Rassemblement national mais aussi d'autres personnalités comme le maître de conférences à l'Université Paris-1 et habitué des médias Michaël Zemmour.
"Je pense que le premier enjeu ce sont les engagements européens" qu'à pris la France sur ses finances publiques, disait-il sur BFMTV il y a quelques jours.
C’est à coup de point d’exclamation que l’UE se défend entre autres dans un article publié fin 2022: “Non, la Commission européenne n’impose pas à la France sa réforme des retraites!" Elle précise, en revanche, qu’elle l’y encourage.
Thierry Breton, commissaire européen au Marché Intérieur, a abondé dans ce sens au micro de BFMTV récemment. Et lui aussi, de rajouter que si rien n’est exigé, il serait pourtant bon que cette réforme ait lieu. Le texte contribuerait à “faire en sorte que le système global soit à l’équilibre,” dit-il tandis qu’il rappelle que le pays est très endetté.
Pour prouver cette absence d'obligation, l’UE souligne que le versement des 40 milliards d’euros du plan de relance à la France n’est pas conditionné à une quelconque réforme des retraites, à contrario de l’Espagne. Selon un article du site d'information Euractiv, le cas espagnol, en effet, diffère de celui de la France. Le gouvernement hispanique est en effet récemment parvenu à un accord avec l'UE sur une réforme de son système. Sans cet accord, l'Espagne n'aurait pas eu accès au prochain versement de l'UE. Le plan de relance de l'UE, baptisé Next Generation EU, a été adopté en juillet 2020 pour redresser les économies du bloc qui avait été frappé par le Covid. Il comprend 750 milliards d'euros distribués aux Etats selon certains critères. Mais la réorganisation du système des retraites français n'en est pas un.
L'Union Européenne ne contraint donc pas la France à modifier son système. Mais essaie-t-elle de lui faire plaisir? Le gouvernement a pour objectif de réduire son déficit à 3% de son PIB d'ici la fin du mandat d'Emmanuel Macron et rééquilibrer les finances du système des retraites aiderait, selon Jean-Claude Mailly, ex-secrétaire général Force ouvrière.
Sur RMC en début d'année, il expliquait qu'avec cette réforme, la France veut montrer qu'elle prend des actions pour effectivement réduire son déficit.
"La réforme des retraites, cela fait des années qu'elle est donnée comme gage à Bruxelles d'assainissement de ses finances publiques," disait aussi Anne-Sophie Alsif, professeure d'économie à la Sorbonne et cheffe économiste du cabinet d'expertise BDO, il y a quelques semaines sur France Inter.
Pas seulement sous le gouvernement actuel mais aussi sous les précédents, note-t-elle. "Mais on ne le fait pas forcément," rajoute-t-elle.