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Quand les bonbonnes de gaz hilarant explosent dans les usines d'incinération

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Les bombonnes de protoxyde d'azote explosent dans les usines d'incinération, ce qui fragilise les fours et provoque parfois l'arrêt de l'usine, voire des coupures d'électricité. Les préjudices économiques s'élèvent entre 15 et 20 millions d'euros par an.

Peut-être avez-vous déjà remarqué sur les trottoirs ces petites bonbonnes de gaz qui se multiplient. Car le protoxyde d'azote, aussi appelé gaz hilarant ou proto, est devenu populaire auprès des jeunes ces dernières années. Mais en plus de leurs effets néfastes pour la santé, ces bonbonnes sont responsables d'explosions dans les usines d'incinération des déchets.

Utilisé à l'origine dans l'industrie agroalimentaire, notamment dans le siphon de la crème Chantilly, ce gaz est désormais prisé pour ses effets euphorisants. L'OFDT, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, a lancé une alerte dès 2018 concernant cette problématique croissante liée au protoxyde d'azote.

550 heures d'arrêt de fours en 2024

Malgré des campagnes de sensibilisation adressées aux agents de la propreté afin qu'elles ne soient pas mélangées avec les autres déchets, ces bonbonnes, une fois usagées, atterrissent souvent dans les fours des usines d'incinération. La dilatation des gaz restants va alors provoquer l’explosion de la bonbonne.

"Ces bonbonnes vont être intégrées dans le four de traitement, l’incident va se produire au niveau de la grille de combustion entre 1.000 et 1.200 degrés", explique Hervé Carron, directeur de l’unité de valorisation énergétique de la métropole européenne de Lille à BFMTV.

Sous l'effet de la chaleur, les bombonnes de gaz explosent, ce qui va provoquer des dégâts importants en fragilisant et en cassant les grilles en fonte.

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Entre 2023 et 2024, le nombre d’explosions a été multiplié par cinq. Le Nord fait partie des régions les plus touchées, en raison de sa proximité avec la Belgique où il est facile de se procurer ce produit.

"Sur l’année 2024, les explosions ont occasionné 550 heures d’arrêt pour les fours. On chiffre à 1 million d’euros sur les trois dernières années nos pertes d’exploitation", explique Ingrid Lépron, responsable du centre de valorisation énergétique à Saint-Saulve.

L’arrêt du four peut durer jusqu’à deux jours, le temps de le réparer et de faire remonter sa température. Les collectivités clientes, pendant ce temps, ne peuvent plus déposer de déchets.

Des explosions qui causent des coupures d'électricité

Autre conséquence grave: certaines usines servent aussi à produire de l'électricité pour les habitations, les explosions peuvent donc entraîner des coupures de courant.

Depuis octobre dernier, ces bonbonnes sont acceptées en déchetterie, et un système de consigne pourrait être mis en place pour éviter ces dégâts.

Selon Le Monde, d’après un rapport de Grégory Richet, directeur général de Paprec Énergies et président du syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés, ce sont un tiers des installations françaises qui sont touchées par ce type d’explosion. Les pertes sont évaluées entre 15 et 20 millions d’euros par an.

Son syndicat a donc demandé à ce que les fabricants (qui sont essentiellement néerlandais) installent des valves de sécurité sur les bombonnes. L’objectif est que le gaz se diffuse de façon progressive, et ne monte pas en pression avec la chaleur.

Louise de Maisonneuve