Quand la commune propose une mutuelle pour ceux qui n'en ont pas

Le centre hospitalier de la Dracénie, à Draguignan, en octobre 2021. - BFM Toulon Var
C'était une promesse de campagne de l'équipe municipale. En 2021, la liste sans étiquette de la commune de Draguignan dans le Var s'y était engagée: élue elle mettrait en place une couverture complémentaire pour l'ensemble des Dracénois.
Le principe: appuyer le déploiement d'une complémentaire santé à un tarif avantageux pour tous les résidents. Et rendre ainsi possible l'accès aux soins pour ceux qui en sont éloignés. En 2021, après six mois de mise en concurrence, la commune varoise de 40 .000 habitants a choisi La Mut'Com pour sa vocation sociale. Et près de deux ans après sa mise en œuvre, plus de 300 adhérents bénéficient d'une mutuelle à des tarifs très avantageux, confirme Lauryne Tollard, directrice du CCAS (centre communal d'action sociale).
"Pour un étudiant, ça revient à seulement 10 euros par mois de frais de couverture", souligne la jeune femme.
Plus de 5000 communes ont mis en place une mutuelle communale
Draguignan n'est pas le seul exemple. Plus de 5.000 communes ont mis en place une mutuelle communale, appelée aussi mutuelle de village. Et ce nombre va en augmentant. Menton (Alpes-Maritimes), Courthézon (Vaucluse), Briançon (Hautes-Alpes) ou encore Mérignac (Gironde), Nice, Voisin-le-Bretonneux (Yvelines). Mais aussi Montreuil, Drancy (Seine-Saint-Denis) ou encore les départements de la Nièvre ou la région le-de-France.
Cette initiative solidaire est d'autant plus saluée que les tarifs des complémentaires santé ne cessent d'augmenter. La hausse serait de 10% pour 2024 selon l'UFC-Que choisir et serait encore plus importante pour les seniors. En cause: le transfert toujours plus important des remboursements de l'Assurance maladie vers les complémentaires santé, qu'elles refacturent à leur tour. Selon l'Enquête santé européenne (EHIS), environ 3,6% des Français resteraient sans complémentaire santé. Cela concerne tout particulièrement les personnes n'ayant pas de mutuelle obligatoire financée par l'employeur, comme les jeunes, les chômeurs, les retraités ou les autoentrepreneurs.
Première commune à avoir lancé le dispositif: la petite ville de Caumont-sur-Durance, dans le département du Vaucluse, qui compte un peu plus de 4.000 habitants. L'idée remonte en 2012 quand la deuxième adjointe Véronique Debue, en charge des affaires sociales en a fait son combat. Plusieurs de ses administrés étaient en rupture de soins, se remémore-t-elle dans un entretien accordé au Monde. "On me disait que c'était utopiste, ou que ce n'était pas à moi de le faire. Mais je savais que je partirai quand même au combat. Ce n'était pas le premier et ce ne sera pas le dernier". Le premier partenariat entre une commune et un organisme a été signé avec la Mutuelle générale d'Avignon (MGA).
Aucune limite d'âge opposée
Chaque mairie peut proposer une mutuelle communale. La mettre en place a pris six mois à la ville de Draguignan. En amont du choix du partenaire, un sondage peut permettre de calculer le nombre de souscripteurs potentiels et d'établir un chiffre cible auprès de l'organisme complémentaire. Charge ensuite à la mairie d'obtenir auprès d'un assureur l'offre la plus avantageuse possible en termes de mensualité et de garanties. "Il n'y a pas de participation financière de la commune qui joue le rôle d'intermédiaire de confiance", confirme Lauryne Tollard. Et ensuite, il faut informer et séduire. Pour Draguignan, la communication autour de l'initiative a pris plusieurs formes : réunions publiques, communication sur les réseaux sociaux…
"Chaque salve de communication entraîne un regain de sollicitation", confirme la directrice du CCAS.
Avec des taux de conversion importants, puisque près de 90% de demandes de devis sont à l'origine de signatures de contrat. Tout habitant de la commune peut en bénéficier, puisque la condition préalable générale quasi unique est d'être résident. Aucune limite d'âge n'est opposée, et il n'y a pas non plus de questionnaire médical. La mutuelle de village diffère de la complémentaire santé solidaire. Pour bénéficier de cette dernière, il ne faut pas dépasser un plafond de ressources. À titre indicatif, la limite annuelle de revenus pour bénéficier de la complémentaire santé solidaire est de 10.166 euros annuels pour un foyer d'une seule personne. En revanche, les tarifs de la mutuelle communale peuvent être indexés sur l'âge, en lien avec une santé plus dégradée et donc la prise en charge de frais de santé plus importants.
Des garanties limitées pour les pathologies particulières
N'y aurait-il que des avantages à passer par une mutualité communale ? Il faut noter que les garanties applicables sont standard, même si elles peuvent être de niveaux différents. Ainsi le département de la Nièvre propose trois niveaux de couverture, dont une de soins courants jusqu'à une prise en charge plus poussée des soins les plus onéreux "Nièvre santé 3", qui comprend l'hospitalisation, les lentilles, le dentaire.
Mais pour des personnes souffrant de pathologies particulières, la complémentaire santé peut s'avérer limitante, d'autant que la mutualisation des risques grâce à des profils variés n'existe pas. Il faut donc veiller dans le temps à ce que les organismes mutualistes ne fassent pas évoluer leurs tarifs.