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Payer la franchise au comptoir de la pharmacie, doubler les plafonds... Comment le gouvernement va rendre la santé plus chère pour économiser 700 millions d'euros

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Le gouvernement envisage de doubler le plafond des franchises médicales et participations forfaitaires, les portant de 50 à 100 euros par an. Afin de responsabiliser les patients quant aux coûts de la santé, la ministre Catherine Vautrin souhaite les faire payer directement au comptoir en pharmacie.

Toujours plus. Le gouvernement souhaite doubler les plafonds annuels des franchises médicales et participations forfaitaires... Et surtout, (encore) leurs montants qui ont déjà augmenté l'année dernière.

Pour rappel, il s'agit des sommes discrètement déduites par l'Assurance maladie, des remboursements de médicaments, de consultations chez le médecin, le masseur-kinésithérapeute, ou encore des trajets en transport sanitaire et des examens radiologiques et analyses médicales.

Au total, 200 euros au maximum pourront être déduits, chaque année, des remboursements par la Sécu: 100 euros pour les franchises médicales, 100 euros pour les participations forfaitaires.

Concrètement, hors dépassements d'honoraires, là où les patients s'acquittaient, indirectement, d'un reste à charge maximal de 100 euros par an en cumulant les consultations médicales, les prescriptions de médicaments pris en charge par l'Assurance-maladie ou encore les radios et rééducations chez un kiné, ce reste à charge annuel sera doublé dès l'année prochaine.

Et surtout, si ces franchises médicales et participations forfaitaires ne sont, de facto, pas remboursées par la Sécu, elles ne sont pas non plus prises en charge par la complémentaire santé, si le patient est couvert par un contrat "responsable" - soit 98% des offres souscrites.

Les montants des franchises vont aussi augmenter

Mais ce n'est pas tout: le gouvernement prévoit aussi d'augmenter le montant des franchises et participations forfaitaires, ce qui ferait qu'un plus grand nombre de patients, au-delà des malades en affection longue durée, seraient susceptibles d'atteindre les plafonds annuels... et contribuer au renflouement de la Sécurité sociale.

"Il ne s’agit pas du tout de culpabiliser les Français, personne ne choisit d’être malade, mais nous voulons responsabiliser les assurés", justifie la ministre Catherine Vautrin, dans un entretien accordé au Monde le 27 juillet.

Au micro de Franceinfo jeudi 31 juillet, son collègue Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins prépare même les esprits à un doublement des montants déduits des remboursements de médicaments. "Ça peut être deux euros", a-t-il avancé.

Si le gouvernement est en quête d'économies substantielles, la principale raison avancée est de sortir de "l'illusion du tout gratuit" dans le système de santé, particulièrement dénoncée ces dernières semaines par le patronat.

C'est pourquoi, pour les médicaments notamment, Catherine Vautrin souhaite que la franchise soit directement réglée au comptoir en pharmacie, et non plus déduite après le passage en officine par l'Assurance-maladie. Logiquement, on peut imaginer que la participation forfaitaire doive aussi être directement payée au médecin.

"Si on fait ça, les professionnels de santé vont demander de l'argent car cela leur rajoutera de la paperasse", alerte néanmoins Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa et membre du conseil de la Caisse nationale de l'assurance-maladie (Cnam).

Qui plus est, les arguments liés à la responsabilisation des patients, avancés par le gouvernement, sont loin de convaincre: "les franchises ne s’appliquent que sur des soins prescrits. Pourquoi, dès lors, n’est-il pas question de la responsabilité des médecins?", a soulevé la fédération de patients France Asso Santé au lendemain de la présentation du plan de redressement des finances publiques par François Bayrou.

"Bizzarement, on ne touche pas aux taxes sur l'alcool. Tout ça est inacceptable! On serait producteur de cocaïne en France, on ne taxerait pas la cocaïne", fustige Dominique Corona.

Les franchises avaient déjà doublé l'année dernière

Les franchises médicales et participations forfaitaires ont déjà doublé l'année dernière, provoquant la colère des associations de patients. Depuis le 31 mai 2024 en effet, les franchises médicales ont doublé. Elles sont ainsi passées de cinquante centimes à un euro pour les médicaments et les consultations chez des professionnels de santé paramédicaux comme les kinés ou infirmiers, et de deux à 4 euros pour les trajets en transports sanitaires.

Et depuis le 15 mai 2024, les participations forfaitaires ont aussi doublé, passant de un à deux euros pour les consultations chez un médecin ainsi que pour les examens radiologiques et analyses médicales.

De même, les plafonds journaliers appliqués à chacun de ces postes de dépense - à l'exception des médicaments, ont également été doublés l'année dernière. 4 euros par jour maximum pour les consultations paramédicales, 8 euros pour les rendez-vous chez des médecins, généralistes comme spécialistes, les radios, analyses sanguines et transports sanitaires.

À cette époque, le gouvernement n'avait cependant pas décidé de toucher aux plafonds annuels des franchises, afin de protéger les patients les plus vulnérables. Notamment les porteurs d'une affection longue durée (ALD) reconnus en tant que tel par l'Assurance-maladie, car ce statut ne les exonère pas de ces franchises médicales et participations forfaitaires.

A ce jour, sont exemptés de franchises et participations forfaitaires les mineurs, les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), de l'aide médicale d'État (AME), les femmes enceintes à partir du premier jour du sixième mois de grossesse et jusqu’à 12 jours après l’accouchement ainsi que les victimes d’un acte de terrorisme pour les frais de santé en rapport avec cet événement.

Pas de plafond mensuel pour les médicaments

Contacté par BFM Business, le cabinet de Catherine Vautrin indique qu'il n'est pas question de modifier à nouveau les plafonds journaliers des franchises et participations forfaitaires.

La ministre a toutefois semé la confusion, dans un entretien accordé au Monde, en évoquant un plafond mensuel de 8 euros par mois pour les médicaments. Il n'en est rien: par souci de simplicité pour le grand public, "la ministre a rapporté le plafond maximum de 100 euros à un équivalent mensuel", indique son cabinet à BFM Business. Ainsi, les médicaments resteraient soumis uniquement au plafond annuel, qui passerait donc à 100 euros.

Un simple décret suffit pour doubler les franchises

Si rien n'est encore tranché à date, le gouvernement bénéficie d'une certaine souplesse pour augmenter les franchises et leurs plafonds à sa guise. Un simple décret par voie réglementaire suffit, il n'est donc pas nécessaire de passer par un article dans la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026.

D'après une source proche du dossier, pas moins de 700 millions d'euros d'économies sont espérées, sachant que le gouvernement cherche à économiser pas moins de 5,5 milliards d'euros dans la santé dès l'année prochaine.

En revanche, le gouvernement avait un temps envisagé, courant 2023, de créer une franchise médicale sur les dispositifs médicaux comme les pansements et les pacemakers. Une expertise conduite par la Direction de la Sécurité sociale (DSS) estimait le rendement de cette mesure entre 170 et 340 millions d'euros d'économies. Mais cette fois, il aurait fallu passer par la voie législative pour mettre en oeuvre cette franchise sur ces matériels médicaux. Vu les rapports de force à l'Assemblée nationale, s'il souhaitait relancer ce projet, le gouvernement aurait très peu de chances d'y parvenir.

Caroline Robin