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Banksy, un virtuose du coup d'éclat désintéressé

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Lors d'une vente aux enchères d'une œuvre du street-artiste le plus coté au monde, l'œuvre s'est autodétruite au moment de l'adjudication. Une nouvelle illustration du génie de Banksy en termes de coups d’éclat.

Vendredi soir, Sotheby’s organisait à Londres une vente aux enchères qui va rester dans l’histoire. Au moment du "adjugé vendue" de La Petite fille au Ballon, célèbre œuvre de Banksy, à 1,2 million d'euros, un record pour le street-artist, elle s'est autodétruite, façon "Mission: Impossible".

Alors que le commissaire-priseur frappait ses trois coups de marteau, une alarme s’est déclenchée, et l’affiche a commencé à glisser à travers le bas du cadre, dans lequel se trouvait, cachée, une déchiqueteuse à papier.

Quelques heures plus tard, l’artiste dont personne ne connaît l’identité a publié une vidéo sur son compte Instagram, montrant comment il avait préparé son coup des années auparavant. Il avait fabriqué ce mécanisme en prévision d’une éventuelle vente aux enchères de son œuvre par son acquéreur.

Désormais, on se demande si l’artiste était présent dans la salle des ventes pour déclencher le mécanisme. Impossible à dire, puisque le génial Britannique grade farouchement l’anonymat depuis toujours. Mais il y avait sans aucun doute plusieurs de ses représentants dans la salle, puisque dans la vidéo qu’il publie, on voit plusieurs angles de prise de vue.

Plein de théories existent sur la réelle identité de Banksy. Certains pensent qu’il est le chanteur de Massive Attack, ou même le groupe tout entier, notamment parce que certaines de ses résidences collaient avec des tournées du groupe dans les mêmes villes. D’autres pensent que c’est l’artiste Damien Hirst. En tout cas, il connaît forcément le marché de l’art sur le bout des doigts.

Le roi du happening

En vingt ans d’exercice, le street-artiste dont on sait seulement qu’il a fait ses débuts à Bristol, est devenu le roi du happening. En 2013, lors d'une résidence à New York, où l'on découvre chaque jours un de ses très typiques graff au pochoir dans les rues, il confie des originaux signés de ses toiles à un vendeur de rue.

Mise à prix: 60 dollars, pour des œuvres cotées à l’époque 300 fois ce montant: 20.000 dollars. Plein d'autodérision, il filme le camelot toute la journée, les passants qui ne jettent même pas un coup d’œil sur son étal. À la fin de la journée, quatre personnes auront acheté des toiles, pour un montant total de 420 dollars!

Il faut dire que Banksy n’a jamais semblé appâté par le gain. 34e au dernier classement Artprice des artistes contemporains les plus cotés au monde, il pourrait connaître une fortune à la Andy Warhol avec lequel il partage un certain sens de la provocation. Mais il n’est représenté par aucune galerie, vend ses œuvres en direct via son e-shop au compte-gouttes. Lorsqu’il sort Guerre et Spray en 2006, son livre qui compile des photos de ses graffs en couleur sur du beau papier, il le vend 25 euros. Seulement quelques euros de plus qu’un roman non-illustré chez les grandes maisons d’édition.

Aux enchères, si le prix de ses œuvres, parfois des bouts de murs arrachés par des petits-malins, atteint des sommets, ce sont des spéculateurs qui s'enrichissent. Lui ne touche pas un kopeck et s’est contenté de créer le Pest Control Office, un bureau d’authentification de son travail pour éviter aux acheteurs de se faire arnaquer. Mais finalement, sa tendance à tourner en dérision le marché de l’art, à ridiculiser sa marchandisation, comme dans son film sorti en 2010 Faites le mur, ne fait qu’augmenter sa cote. Aujourd’hui, l’œuvre autodétruite, devenue culte, devrait gagner encore en valeur. Et seul son nouveau propriétaire en profitera.

Nina Godart