Laboratoires d'analyses: pourquoi les biologistes vont cesser d'alimenter les fichiers de tests Covid

Un laboratoire d'analyses dans un centre de vaccination contre la variole du singe, le 3 août 2022 à Paris - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP
C'est une des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Comme les années précédentes, le budget de la sécurité sociale pour 2023 ne prévoit pas d'économies sur l'hôpital. En revanche, les laboratoires d'analyses devront se serrer la ceinture et dégager 250 millions d'euros de réduction sur les tarifs de la biologie médicale courante.
Une mesure à laquelle les biologistes s'opposent fermement. A tel point qu'ils ont annoncé, mercredi, qu'ils allaient cesser d'alimenter le fichier national des tests de dépistage du Covid (SI-DEP, pour système d'information de dépistage).
"Devant la surdité des pouvoirs publics, nous avons décidé de suspendre la transmission des données de dépistage sur la plateforme SI-DEP à partir du 27 octobre", a expliqué à l'AFP le président de l'Alliance pour la biologie médicale, Alain Le Meur.
Les examens concernés sont les tests PCR et antigéniques effectués en laboratoires ainsi que les tests sérologiques liés au Covid, a expliqué François Blanchecotte, le président du syndicat des biologistes.
"Plus de suivi de l'épidémie"
Mais cette suspension ne signifie pas que les patients arrêteront de recevoir leurs résultats. En revanche, "il n'y aura plus de suivi possible de l'épidémie", prévient Alain Le Meur. "Nous avons fait le choix de continuer à travailler pour la santé des Français mais nous montrons notre mécontentement face au PLFSS", confirme François Blanchecotte.
La plateforme sécurisée SI-DEP, sur laquelle les résultats des laboratoires de tests Covid-19 sont systématiquement enregistrés, "permet de s’assurer que tous les cas positifs sont bien pris en charge", précise le ministère de la Santé et des Solidarités sur son site. Avec "Contact Covid" - le service d’identification et de prise en charge des personnes malades et des personnes contacts-, il représente, pour les autorités sanitaires, un outil de suivi et de prévention essentiel de l'épidémie sur le territoire.
Une action qui aura un coût pour les laboratoires qui ne seront plus remboursés par l'Assurance maladie - un manque à gagner évalué à 14 millions d'euros par semaine.
"Envoyer un message" au gouvernement
La profession entend ainsi "envoyer un message" au gouvernement, qui n'a pas modifié son projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L'exécutif prévoit "une baisse des tarifs par arrêté" à défaut d'un "accord présentant des économies significatives" avant le 1er février, à hauteur "d'au moins 250 millions".
C'est "plus de 20% du volume d’économies prévu pour la Sécurité sociale, alors que notre activité courante intervient dans 70% des diagnostics et décisions médicales et ne représente que 2% des dépenses en santé", soulignait Alain Le Meur auprès de Ouest France, au début du mois.
"Nous assumons de demander des efforts aux laboratoires de biologie", a répété le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, mardi au Sénat, justifiant la mesure par "une rentabilité déjà élevée avant la crise" et encore accrue par un surcroît de plus de 7 milliards "de chiffre d'affaires lié aux tests" depuis deux ans.
Une grève à venir dans les laboratoires?
Les biologistes ont pourtant proposé de limiter la ponction à la seule année 2023, au titre des profits du Covid. "D'accord pour une contribution exceptionnelle, mais pas pour un rabot totalement aveugle", résume Alain Le Meur. Dans les colonnes de Ouest France, ce dernier prônait "une contribution exceptionnelle sur le Covid, avec une taxe en une fois sur 2023" sans que cela ne "touche les examens courants".
Les professionnels du laboratoire se disent même "capables d'aller plus loin", jusqu'à "une grève si le gouvernement ne (les) comprend pas".
"Ce serait notre ultime recours, si nous n'arrivions pas à dialoguer avec le gouvernement", avait indiqué Aurélie François, dirigeante du groupe de laboratoires Eurofins, le 14 octobre.
"En fonction de sa réponse, nous mettrons en oeuvre une grève générale à l'issue du vote" du budget de la Sécurité sociale, avait-elle ajouté.
En plus du rabotage des tarifs des laboratoires d'analyses, le PLFSS prévoit de générer des économies d'1,1 milliard d'euros sur les médicaments, 150 millions sur l'imagerie médicale, et enfin de 150 millions d'euros sur les complémentaires santé sont prévus.
L'examen du budget de la Sécu à l'Assemblée, interrompu par l'usage du 49.3 sur la partie "recettes", a repris mercredi soir sur le volet "dépenses", où figure l'article contesté.