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INFO BFM BUSINESS. Balnéothérapie, chirurgie contre l'obésité... À moins d'une semaine du vote de confiance, le gouvernement pousse pour durcir l'accès à l'aide médicale d'État

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Selon nos informations, le gouvernement a adressé ce mardi 2 septembre pour avis au conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) deux projets de décrets, consultés par BFM Business, qui durcissent les conditions d'accès à l'aide médicale d'État (AME) et réduisent la liste des soins remboursables pour les bénéficiaires.

Le gouvernement multiplie les passages en force avant le vote de confiance. Alors que le Premier ministre François Bayrou risque de tomber le 8 septembre devant le Parlement, les ministres chargés de la Santé, Catherine Vautrin et Yannick Neuder, de l'Économie et des Finances, Éric Lombard, et des Comptes publics Amélie de Montchalin peaufinent deux décrets qui durcissent les conditions d'accès à l'aide médicale d'État (AME) et réduisent la liste des soins remboursables pour les bénéficiaires de cette allocation.

Pour rappel, l'AME est destinée à permettre l'accès aux soins des personnes en situation irrégulière au regard de la réglementation française sur le séjour en France.

Deux projets de décret, consultés par BFM Business, viennent en effet d'être adressés, ce mardi 2 septembre, au Conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour avis. Le premier concerne le panier de soins couverts par l'AME et les modalités d'appréciation des ressources des bénéficiaires de cette aide. Le second étoffe la liste des pièces justificatives à fournir pour demander l'AME.

Moins de soins remboursés pour les bénéficiaires de l'AME

Plus précisément, il est d'abord envisagé de ne plus rembourser les actes de rééducation réalisés en balnéothérapie. Le gouvernement exclut donc une cinquième catégorie de soins du panier remboursable par l'AME. À ce jour en effet, les frais liés aux cures thermales, actes techniques et de biologie médicale dans le cadre d'une procréation médicale assistée (PMA), les médicaments utilisés pour les actes et examens en lien avec une PMA ainsi que les médicaments dont le service médical rendu est considéré comme faible par la Haute autorité de santé (HAS) sont déjà écartés du panier de soins de l'AME.

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Et ce n'est pas tout: le premier décret élargit aussi la liste des soins dont le remboursement par l'AME est conditionné à un délai d'ancienneté du bénéfice de cette aide. Actuellement, près de vingt actes, listés à l'article R-251-3 du code de l'action sociale et des familles, sont remboursables par l'AME à condition que les patients bénéficient de cette aide depuis au moins neuf mois. Il s'agit notamment de rhinoplasties, d'interventions diverses sur le cristallin, ou encore de prothèses de genou, d'épaule et de hanche.

Cette liste va donc s'élargir à d'autres actes, pour lesquels les patients devront bénéficier de l'AME depuis au moins neuf mois. Sont notamment concernés les interventions et actes dans le cadre du traitement de l'obésité, la chirurgie des varices, des aides auditives, des lunettes de vue ou lentilles, etc. Est aussi visée "la rééducation de la déambulation de la personne âgée, dès lors que l'absence de rééducation n'entraine aucun risque de la perte d'autonomie", peut-on lire dans le décret préparé par le gouvernement.

Les conditions d'accès à l'AME durcies

En plus du panier de soins remboursables, le gouvernement entend durcir les conditions d'accès à l'AME. Le premier décret prévoit en effet de modifier les modalités d'appréciation des ressources des bénéficiaires, en ne tenant que compte que des ressources du demandeur, de son conjoint et de ses enfants mineurs. Seraient alors exclus les enfants majeurs qui poursuivent leurs études ou encore d'autres ayant-droits qui vivent depuis au moins douze mois avec le demandeur.

La liste des pièces à fournir dans le dossier de demande à l'AME est enfin étoffée par un second décret transmis pour avis au conseil de la Cnam. Il sera par exemple demandé un extrait d'acte de naissance, une copie de livret de famille.

Si tout autre document de nature à attester l'identité du demandeur et des personnesà charge est à ce jour accepté, le gouvernement ajoute dans son décret une condition à cette option. Il faut que ce document "comporte une photographie d'identité pour les personnes majeures", est-il indiqué.

Opération séduction de la droite?

Pour Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa et membre du conseil de la Cnam, l'arrivée de ces décrets, seulement quelques jours avant le vote de confiance prévu le 8 septembre, ne tient pas à un hasard de calendrier. "Franchement, je me demande si ce n'est pas une manière pour le gouvernement de sauver sa peau en tendant la main aux Républicains et à l'extrême droite soupire-t-il.

"Après s'être attaqué aux malades, aux chômeurs, le gouvernement cible maintenant les immigrés, c'est honteux", fulmine Dominique Corona auprès de BFM Business".

Début juillet déjà, le sénateur Vincent Delahaye, membre de l'union des démocrates et indépendants et du parti radical a déposé un rapport appelant à réformer l'AME, considérant ce dispositif "trop généreux". Il regrette qu'aucune réforme n'a été conduite depuis 2020, malgré la promesse du gouvernement en 2023 "à l'occasion du vote par le Sénat de la transformation de l'AME en Aide médicale d'urgence au cours de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration".

Le gouvernement avait chargé dans ce cadre Claude Évin et Patrick Stéfanini de mener une mission sur l'AME durant trois mois. Un rapport a été remis le 4 décembre 2023, et soulignait le caractère "globalement maîtrisé" de l'AME.

Selon les chiffres de la Direction de la sécurité sociale (DSS), le coût du dispositif est passé de 540 millions d'euros en 2009 à 968 millions en 2022. Le nombre de bénéficiaires de l’AME a augmenté de près de 123.000 personnes entre la fin 2015 et la mi 2023, soit une progression de 39% sur 7 ans et demi.

Pour rappel, l'AME permet la protection des personnes étrangères vivant en France depuis au moins trois mois consécutifs en situation irrégulière et dont les ressources ne dépassent pas un plafond de 862 euros mensuels en 2025.

Caroline Robin