"Il y a des abus mais ça reste exceptionnel": que risquent les 500 médecins qui prescrivent deux fois plus d'arrêts maladie que leurs confrères?

Qui dit rentrée dit nouveaux objectifs? À compter de ce lundi 1er septembre, 500 médecins généralistes font l'objet d'une mise sous objectifs (MSO) décidée par l'Assurance maladie. C'est une sorte de rappel à l'ordre adressée aux praticiens qui precriraient trop d'arrêts de travail. "Ils prescrivent au moins le double d'arrêts de travail par rapport à leurs confères aux caractéristiques identiques", souligne la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) auprès de BFMTV.
Concrètement, les médecins faisant l'objet d'une MSO devront, pendant six mois, faire en sortes de prescrire moins d'arrêts de travail. "L’objectif de réduction, établi par le médecin conseil chef de service, dépend du niveau de prescription des médecins. Il se situe entre -20 et -30 %", précise la Cnam.
Les médecins en rogne
Si la procédure de MSO existe depuis près de 20 ans, la démarche de la Cnam est mal accueillie par les médecins. "C'est vécu par la profession comme une injustice parce qu'on sort du soin, on revient dans des valeurs administratives qui n'ont aucun sens et ne respectent pas le jugement d'un professionnel de santé", a déploré Olivier Leroy, médecin généraliste à Angers et membre de la coordination des médecins libres et indépendants du Maine-et-Loire.
"Il y a des abus, on le sait bien, mais cela reste des cas exceptionnels et ce n'est pas ceux-là que l'Assurance maladie a ciblé. L'Assurance maladie va cibler des généralistes qui sont auprès de leurs patients, qui sont au contact avec des populations qui sont souvent soumises à des métiers difficiles, qui génèrent beaucoup de pathologies musculo-squelettiques", a-t-il insisté.
Les docteurs doutent aussi, et surtout, de la méthode employée par l'Assurance maladie pour cibler des praticiens a priori trop généreux en matière de prescriptions d'arrêts de travail. Elle "prend des données, dont on ne sait pas exactement toutes les sources, pour nous, elles sont assez erronées et jugent de façon négative les professionnels de santé", a dénoncé Olivier Leroy.
De son côté, la Cnam indique à BFMTV que les pratiques des médecins trop prescripteurs d'arrêts de travail sont ciblés par une MSO après une étude de leurs pratiques "par rapport à leurs confrères de la même région, à patientèle et territoire d’exercice comparable".
500 autres médecins généralistes mis sous objectifs début 2026
Les 500 médecins ciblés dès ce 1er septembre par une MSO ne constituent qu'une première vague de rappels à l'ordre décidés par l'Assurance maladie. Mais "une ampleur équivalente est prévue à ce stade pour la 2ème vague qui démarrera le 1er janvier 2026", indique la Cnam à BFMTV. Ces derniers peuvent toutefois refuser de s'y soumettre en motivant leur décision.
Mais ils risquent alors d'être mis sous accord préalable (MSAP). Cette procédure est encore plus contraignante que la MSO car les arrêts de travail prescrits sont soumis à l'accord préalable du service de contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie à laquelle est rattaché le praticien rappelé à l'ordre.
"Pour chaque prescription, le médecin doit répondre aux éléments demandés par le service médical qui donnera son avis avant que les indemnités journalières de l’assuré puissent être versées", précise la Cnam.
D'après un bilan établi par la Cnam, "plus de 400 MSO et 200 MSAP ont été mises en place entre fin 2023 et début 2024". Et les trois quarts des médecins ayant fait l'objet d'une MSO ont atteint leurs objectifs.
Envolée des dépenses d'indemnités journalières
Si la Cnam s'attaque aux médecins généralistes, c'est parce que selon elle, une part de l'augmentation des indemnités journalières versées aux patients en arrêts maladie ne peut s'expliquer seulement par le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques dans la population.
Dans son rapport "Charges et produits 2026", un vaste document publié en début d'été pou aiguiller les pouvoirs publics des mesures à intégrer dans le prochain budget de la Sécu, la Cnam indique que "les dépenses d'indemnités journalières ont fortement progressé, avec une hausse de 27,9 % entre 2019 et 2023". Et que, "si cette progression s'explique à 60% par des facteurs démographiques (augmentation et vieillissement de la population salariée) et économiques (hausse du salaire moyen ou du Smic), la part restante est liée à une augmentation des arrêts et de leur fréquence", ajoute-t-elle.