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Grève des pharmaciens: le mouvement s'annonce très suivi, beaucoup d'officines garderont portes closes jeudi

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Après une première mobilisation lors du week-end de Pentecôte, les pharmaciens sont de nouveau en grève ce jeudi afin de dénoncer les pénuries de médicaments et de réclamer des revalorisations de salaires.

Les pharmaciens seront massivement en grève jeudi 30 mai afin de réclamer des revalorisations financières, alerter sur les pénuries de médicaments et des risques de libéralisation de la vente en ligne.

La Fédération des pharmaciens d'officines (FSPF) et l'Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) avaient annoncé cette mobilisation il y a deux semaines avec la fermeture des 20.500 officines de France et des manifestations sur tout le territoire, notamment dans des grandes villes comme Lyon. Dans les Alpes-Maritimes, 95% des officines suivent le mouvement de grève du 30 mai.

Avant cette journée commune de mobilisation, une grève des gardes "organisée localement par les syndicats" avait eu lieu lors du week-end de Pentecôte. La branche des pharmacies d'officines compte plus de 130.000 salariés, un chiffre comparable à celui des cliniques privées, qui, elles aussi, ont prévu un mouvement de grève à partir du lundi 3 juin.

Seulement 5.500 euros en plus par officine et par an entre 2023 et 2027

La dernière réunion multilatérale avec l’assurance-maladie dans le cadre des négociations conventionnelles, ouvertes fin 2023, mécontente les syndicats représentatifs. Pour eux, le compte n'y est pas. Ils veulent poursuivre les négociations sur le volet revalorisations proposées par l'assurance maladie.

"Le budget qui est sur la table ne permet pas de financer toutes les officines", avait déclaré le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, au cours d'une conférence de presse il y a quinze jours.

La proposition de revalorisation par l'Assurance maladie dévoilée lors de la dernière réunion multilatérale mardi 14 mai est "inférieure" au milliard d'euros supplémentaire par rapport à 2019 que les syndicats espéraient pour le réseau en 2025. Ce que l'assurance maladie propose "ne peut pas suffire surtout quand on met en regard de ces propositions" les sommes en cours de négociations pour les médecins, avance Pierre-Olivier Variot, président de l'Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Le conseiller économiste de l’USPO, Guillaume Racle, calcule qu'en l'état actuel de la trajectoire prévue par la Cnam, "on nous propose en moyenne, plus 5.500 euros par officine et par an entre 2023 et 2027". Une somme "dérisoire" par rapport aux besoins de financement des officines, qui font face à une augmentation des charges induites aux deux tiers par l'inflation des frais de personnel et de loyer", selon lui.

Des centaines de pharmacies menacent de fermer

"On n'atteindra pas le budget nécessaire, mais si jamais on ne prend pas ce qui est sur la table on va perdre des centaines de pharmacies supplémentaires", expliquait Philippe Besset au sujet des négociations avec la Cnam, rappelant que 46 pharmacies ont fermé depuis janvier, après 330 fermetures l'année dernière. "Et si on ne signe pas cette convention, les pharmacies rurales n'auront pas les 20.000 euros en début d'année", une aide destinée aux pharmaciens qui sont "seuls dans une officine, dans un village isolé où il n'y a pas de médecin".

"Nous avons fait le choix de proposer une signature de combat, d'aller au bout, d'essayer de convaincre par tous les moyens les pouvoirs publics et l'Assurance maladie de l'impérieuse nécessité d'aller plus loin dans les revalorisations."

Outre la dégradation économique des officines, les pharmaciens veulent également interpeller la population et les pouvoirs publics sur les ruptures de médicaments, très chronophages pour eux, ou encore la réforme de troisième cycle des études de pharmacie. "Aujourd'hui, on est arrivé à un taux de rupture de plus de 5.000 molécules : c'est intenable, déplore Cyril Colombani, pharmacien à Nice. C'est quasiment toutes les ordonnances, on en a quatre sur cinq pour lesquelles il manque un produit. Donc on perd du temps, les médecins aussi et ça devient impossible à gérer."

Les pharmaciens veulent aussi mettre en garde contre un projet politique susceptible de libéraliser la vente en ligne de médicaments par les pharmaciens. "Je ne veux pas qu'un pharmacien ait son officine dans un quartier et par ailleurs 10.000 mètres carrés de surface à côté, dans une zone commerciale où il arrose la France et l'Europe de médicaments. Les stocks déportés, c'est non", souligne Philippe Besset. "Les plateformes avec des stocks déportés, ça s'appelle Amazon. Donc c'est la mort de la pharmacie", prévient Pierre-Olivier Variot.

Timothée Talbi avec AFP